3.2.08

Le marteau de Nietzsche



Le marteau de Nietzsche est une métaphore considérable dans sa pensée. Il est vain de la prendre pour un terme précis. Par contre, il est nécessaire de la voir à partir de son sens lié à la généalogie. Nietzsche parle sérieusement d’un marteau, mais il parle aussi d’idoles.
Dans son analyse généalogique, il parle tantôt de marteau médical, celui que le médecin utilise pour diagnostiquer la maladie d’un corps « le diapason ». Tantôt il parle de sculpteur. Il parle aussi du clavier de piano d’un musicien. Mais le marteau de Nietzsche n’est, ni celui du médecin, ni celui du musicien, ni celui du sculpteur. Il est quoi alors ?
Voyons ce qu’il y a de commun chez tous ces utilisateurs de marteau : un son qu’on cherche, et c’est à partir de ce dernier qu’on cherche un sens précisément ! Or, ce n’est pas le son qui intéresse Nietzsche, mais c’est le sens qu’il représente, et c’est ce sens que le médecin ou le musicien cherchent, et non pas le son lui-même. Le sculpteur ne cherche pas le son, mais une forme qui devrait signifier, une forme relative à un sens. C’est donc la forme ; mais cette dernière n’est que pour représenter un idéal esthétique, il n y a pas de son, et la forme n’est pas vraiment importante, mais c’est l’idée ou plutôt le sens que le sculpteur cherche.
Dans les trois cas, nous voyons finalement, que c’est le sens qui est visé. Or Nietzsche lui même ne cherche pas les idées ou les idoles en soi, mais ce qu’elles signifient, c'est-à-dire le sens qu’elles émettent. Son marteau s’ajoute aux autres dans ce niveau commun : Le sens. La visée de Nietzsche reste finalement le sens, et le marteau est un outil d’interprétation.
La quête généalogique a pour objet direct les idoles, qui elles, ont une histoire, parce qu’elles se sont formées dans un parcours historique. Seulement dans ce parcours, elles ont signifié des sens. C'est-à-dire qu’elles ont modifié et se sont modifiées durant leurs parcours. Le sens change constamment selon l’intérêt des gens qui en donnent la portée selon leur combat dans la vie, selon leur volonté de puissance. Le sens se produit et change selon la volonté de puissance.
Or la volonté de puissance vient de la vie des sens, elle vient des pulsions, des désirs, des ambitions, des affects. Le sens se produit dans ce mouvement qui oppose les hommes à la réalité qui reste toujours objet d’amour ou de haine, de passion ou de refus. Les idoles se sont formées dans cette relation toujours conflictuelle et violente. Mais les idoles sont une déformation des passions, une production maladive du sens. Une volonté faible ne gagne pas ce conflit, elle échoue, alors, elle crée des sens pour justifier l’échec et le détourner, elle en fait un sens mensonger. Alors la réalité devient une illusion, et le sens trompeur remplace la réalité, et c’est comme ça qu’il devient idole, c'est-à-dire une fausse idée, une illusion créée devenant sacrée. De là, sa négativité, puisqu’elle traîne les hommes vers la méconnaissance et le sous-estime de soi. Cette méconnaissance conduit l’homme à la négation de la vie, au nihilisme.
Platon en a donné l’exemple, à partir de cette histoire de la caverne. Selon lui, notre rapport à la réalité serait comme s’il était contradictoire : ce qui nous parait vrai n’est que facticité, et ce qui est représentation est bien la réalité. Le vrai sens de notre réalité, notre vraie vérité est là haut : un idéal, une idole. Ainsi la vertu, ce n’est pas celle qui vient du corps, des affects et des pulsions, mais celle qui est défaite de toute sensibilité. Il faut oublier le corps et ses demandes trompeuses, c’est vers quoi emmènent les idoles.
En revanche, il faut se rappeler du monde vrai en dressant le corps à éviter et négliger ses demandes. Le vrai n’est pas ce qui vient du corps, mais ce qui vient de la représentation. Le Platonisme est un dualisme qui sous-estime le corps pour valoriser les idéaux. Le salut des gens est dans la méditation des idéaux et non pas dans la satisfaction du corps. Le Platonisme est l’application du christianisme dans la philosophie.
Les idoles se sont modifiées durant le temps, elles ont pris un masque ; cependant, les hommes qui ont oublié l’histoire de ces idoles, en deviennent victime. Ils ne peuvent plus reconnaître la nature trompeuse de ces idoles, c’est pourquoi, Nietzsche parle de marteau qui sert à démystifier les idoles comme illusions, pour permettre aux hommes de revenir à eux mêmes, à leurs natures, à leurs corps. Par l’effet négatif des idoles, les gens tombent malades, puisqu’ils renoncent à leur santé naturelle ; puisqu’ils renoncent à l’appel de leur corps. Les idoles sont une contre nature, puisqu’elles empêchent la volonté de puissance des hommes.
Le surhomme est l’homme qui a compris que les idoles sont de fausses idées qui l’empêchent de vivre sa nature. Il n’est pas un homme surnaturel, il est l’homme sachant que nulle vérité n’existent en dehors de sa volonté et de sa guerre pour gagner le défi contre tout ce qui empêche la vie, la création de la vie. Il est l’homme qui a compris le danger mortel et morbide de idoles et est allé jusqu’à détruire et tuer la plus grande des idoles : Dieu. La tâche de Zarathoustra est de dire cela aux hommes, de leur faire comprendre qu’ils sont les plus fortes des créatures et qu’ils doivent aller encore plus loin dans leur volonté de puissance, d’aller vers leur extrême, c'est-à-dire de se surpasser. Le marteau de Nietzsche n’est que la généalogie qui montre comment les idoles se sont formées comme mensonges pour nuire à la vie des hommes ? Ce marteau est un outil de construction du nouvel homme : le surhomme.

TRIBAK AHMED