19.12.08

Heidegger et le chemin



Que veut dire Heidegger quant-il parle de la fin de la philosophie ? Que veut-il dire quant il fait la différence entre philosophie et pensée ? C’est quoi cette question de la technique ?

En fait, la pensée d’Heidegger est un questionnement interminable, la question pour lui est une ouverture d’un chemin, d’un nouvel horizon ; mais le questionnement, n’est jamais neutre, il se fait à travers la réflexion, il ne se limite pas à la mesure d’une science ou d’un savoir précis, ni même à la mesure d’une philosophie, sa pensée est un acte double, simultané de déconstruction et de construction. Il y a une vraie ressemblance entre le questionnement, la réflexion et la marche. On est ici devant une métaphore que nous devrions expliquer : Chemin, marche et pensée ?

Penser c’est comme l’acte de marcher dans une forêt où les chemins ne sont pas sûr « Holzweg », ils peuvent à n’importe quel moment finir dans l’impasse ; mais cela ne veut pas dire que ces chemins sont totalement bouclés, puisque les forestiers et les bûcherons 1 s y connaissent parfaitement dans ces chemins imprévus ; il y a un rapport direct entre ces deux partenaires dans la forêt, les uns fuient les autres tout en sachant comment traverser la forêt. Les deux savent bien ce que veut dire marcher dans ces chemins qui pour eux mènent là où ils veulent ; par contre, ceux qui n’ont pas le savoir et l’expérience de la forêt n’arriveront nulle part, ils ignorent ces chemins. La forêt est donc pénétrable et même facile à traverser par les uns, mais très compliquée pour les autres.

Ainsi est le chemin de la pensée ! Il est plus clair pour ceux qui en ont l’expérience, ils y passent en faisant usage de leurs expériences, cela ne veut pas dire que ces chemins sont faciles pour eux, mais ils ont conscience de son aspect imprévisible. Le chemin de la pensée n’est pas un espace plat et organisé, il est tortueux et appelle à l’attention puisqu’il est imprévisible. Le chemin de la pensée n’est pas clos ou bouclé ; il est plutôt à découvrir, ou pour mieux dire, il est à dévoiler ! Par la force de l’interprétation. L’interprétation n’est pas un simple geste de méditer, il est une force qu’on fait subir à l’être des choses pour le dévoiler. Comprendre, c’est déjà une action violente sur les choses pour qu’elles nous parlent et nous dévoilent ses petits secrets. Le chemin est donc un espace toujours vierge, contrairement à ce que peut être une route bien quadrillée et bien montée, elle n’a rien d’imprévisible.

Pendant que la route nous emmène tranquillement vers là où nous voulons aller et que nous connaissons déjà, le chemin lui, nous livre vers autres choses que nous ignorons mais que nous voulons connaître. Le chemin n’a cette valeur précieuse que dans la mesure où il nous promet des choses imprévisibles, des choses qui seraient la voix ou le visage de ce qui est resté pour longtemps caché, voix et visage de ce que nous pourrons dévoiler par la force que nous faisons subir aux choses pour qu’elles se dévoilent. Le chemin n’a d’importance que pour celui qui en connaît l’importance, que pour celui qui est en quête de quelques choses ! Comme cette forêt où bûcherons et forestiers ont beaucoup de choses à faire et avoir. Le chemin n’est en position de chemin qui ne mène nulle part que pour ceux qui n y ont aucun intérêt. Le chemin de la pensée, n’est pas un chemin bouclé et fermé, il est pour ceux qui s’y connaissent bien une aventure méritée vers quelques choses qu’on devrait faire parler ! Mais le chemin est fermé lorsqu’il y a désintéressement. Le chemin est une affaire d’intérêt ! Cherche-tu quelques choses dans ce chemin ? Alors il est bon pour toi d’y marcher ! Tu n’as rien d’intérêt dans ce chemin ? Alors tu n y trouveras rien !

La pensée est aussi une question d’intérêt et de volonté, on ne pense pas pour penser, mais on pense pour quelques choses que nous voulons atteindre. Le chemin de la pensée est souvent un chemin d’intérêt, sinon, il n’aurait pas cette qualité de chemin, et la pensée est souvent une question d’intérêt, sinon elle n’aurait pas lieu. Penser c’est déjà être impliqué par quelques choses et pour quelques choses. La pensée est souvent motivée par une volonté, une angoisse ou une peur, c’est pourquoi elle est une puissance.

La forêt n’a pas de valeur pour ceux qui n y ont aucun intérêt, mais elle a toutes les valeurs pour ceux qui y ont tous les intérêts ; c’est ce qui fait, que le chemin n’a de sens que pour ceux qui y cherchent. Et c’est ce que nous cherchons qui donne valeurs et sens à ce chemin. Le chemin appelle donc à la marche, et c’est une marche dont l’intérêt est d’explorer, d’agir et d’investir, et de ce fait, la marche n’a préalablement aucune garantie, mais elle prometteuse puisqu’il y a souvent de l’imprévu et de l’intérêt.

L’homme ce berger orphelin de l’être, est obligé de marcher, et donc d’écouter et de faire parler ce chemin qui a l’air muet. L’homme fait donc usage du langage parce qu’il a un dialogue muet, silencieux avec les choses et leur être. Il y a un fort rapport entre l’homme, le langage et l’être des choses, et c’est un rapport plein de violence ! Violence dont la fin est de pouvoir écouter cette voix infra verbale de l’être qui a l’air muet alors qu’il est plein de vacarme et de musique, mais surtout des possibilités infinies de sens. Nous avons l’air d’habiter ce monde, en fait c’est dans le langage que nous habitons ! Ce langage est notre lien avec tout être. Il est notre possibilité et notre tentative de parler à travers nous de ce monde qui parait infini et trop vaste pour le contourner d’un seul geste. Or le langage est aussi un acte d’écoute ! On ne peut pas parler sans écouter. Entre l’écoute et le langage, se tisse le sens de notre comprendre qui n’est qu’un acte de violence, trop risqué, puisqu’il porte avec lui la possibilité de l’errements. Il faut donc savoir écouter, et savoir adresser son langage, pour ne pas faire dériver et confondre ce qui résulte de notre écoute et de notre langage. Il faut tout simplement avoir l’art d’écouter et donc de parler. Il faut apprendre cet art ! C’est seulement de cette façon, que l’homme berger de l’être saura bien garder l’être. Peut être de cette façon, l’homme saura éviter l’excès de sa violence produisant notre face mortelle : La technique !

La fin de la philosophie est donc la fin d’une pensée qui a schématisé le chemin de la pensée, et l’a rendu fade et insignifiant, qui l’a rendu une route ! C’est aussi la fin d’une pensée qui a oublié son rôle d’écouter la voix de l’être, l’ayant réduit au simple exercice d’architecture, de science. En revanche, c’est une pensée vigilante, consciente de son rapport violent avec la métaphysique. La fin de la métaphysique est la fin d’une pensée inconsciente de son statut égaré et éloigné de l’être, inconsciente de la confusion qu’elle fait entre être, étant et Dasein. La fin de la métaphysique est la fin d’une pensée qui n’a pas su ce que veulent dire les chemins qui ne mènent nulle part « Holzwege ». Et par là, elle a réduit la pensée à la science et la technique, et maintenant, elle en souffre ! Consciente de cela, la pensée ne se permet plus cet éloignement, elle appelle à repenser notre destin à partir de sa remise en question de notre chemin, en questionnant l’être des choses, non pas pour trouver le secret ultime, ou les causes finales de notre existence, car il n y a pas de secrets originels, mais pour refonder notre rapport avec l’être.

TRIBAK AHMED

1- Heidegger M. : " Chemins qui ne mènent nulle part " Gallimard, idées.

7.12.08

Foucault et Marx: Le pouvoir


On a pour longtemps confondu entre le pouvoir et l’état, cette confusion a cessé de tromper la pensée, depuis que Michel Foucault a pris le soin d’analyser ce concept avec beaucoup de prudence ; à ce propos, il disait que la lutte contre le pouvoir est une lutte qui consiste à le démontrer et l’analyser là ou il est invisible et caché. - Il est question ici, de répondre à cette question : Qu’est ce que c’est que le pouvoir ?
Le pouvoir est donc resté pour longtemps une énigme entourée de mal compréhension et d’ambiguïté ; Or comprendre ce que c’est que le pouvoir, emmène à l’élaboration d’un nouvel humanisme. C’est que la relation entre les gens est une relation de conflit interminable, et ce conflit se passe précisément dans le domaine et au cœur du pouvoir. C’est pourquoi on s’est souvent intéressé à cette question épineuse, depuis l’apparition de ce phénomène dangereux et douteux qu’est l’état. Et pourtant, ce concept n’a pas été bien soulevé au niveau philosophique, ni chez les grecs, ni dans la pensée du moyen âge.
Je pense que Montesquieu était le premier à donner les premiers fondements d’une théorie de pouvoir, c’est qu’il était le premier à définir clairement les trois niveaux du pouvoir, ce qui a rendu possible d’organiser la relation des citoyens avec l’état. C’est un grand événement qui concerne l’homme de façon directe, puisqu’il a montré que cette relation ne doit plus rester dans le statut de l’arbitraire qui a marqué le despotisme des siècles moyenâgeux, où l’état était un outil d’investissement et d’oppression des gens. Cet événement est donc en rapport direct avec les conditions de vie des gens et en rapport aussi avec l’humanisme.
Cela ne veut pas dire que les conditions de l’homme se sont améliorées depuis cette séparation des pouvoirs chez Montesquieu, mais cela veut dire tout de même que la question des rapports des hommes est devenue un objet de réflexion, ce qui est un pas considérable ; On est plus dans l’esprit du moyen âge, mais plutôt, dans une nouvelle époque : Le modernisme !
Montesquieu n’était ni un idéologue, ni un prêcheur d’une certaine morale salutaire, il était plutôt un rationaliste moderniste qui a voulu fonder un rapport raisonnable et rationnel entre les gouvernés et ceux qui les gouvernent, au lieu de laisser ce rapport traîner dans le flou et l’arbitraire ; son souci s’inscrit donc, dans l’esprit de l’époque moderne où tout était à refaire, devant l’évolution de l’Europe à tous les niveaux : économique, scientifique, politique, industriel, philosophique, moral … etc. Pour lui, il était temps de penser et formaliser ce rapport entre citoyens et gérants d’états.
De là, est venue cette idée de séparation des pouvoirs entre l’exécutif : l’exercice des pratiques et des interventions administratives ; le législatif : la formulation des lois ; et le judiciaire : les contraintes aux respects des lois. De cette façon, il n y aura plus, selon lui, de possibilité à l’arbitraire, cela assure un fonctionnement rationnel de la pratique de l’état, et donc, assure sa stabilité.
Il a donc cru qu’en opposant ces trois sortes de pouvoirs, la stabilité sera un bien de toute la société. Mais ce qui reste échappé là dans cette théorie, c’est la nature elle-même du pouvoir. Il n’a pas répondu ce que c’est que le pouvoir, mais l’a organisé ; cette question est restée dans l’impensé. Cela explique les différentes tendances d’insurrection, de révolution et de violence qui ont marqué les 17ème et 18ème siècles, y compris la révolution Française qui a tout mis en question.
Le marxisme était l’une des philosophies qui ont voulu aller plus que l’esprit des lois, il a proposé non pas de produire une théorie du pouvoir, mais un projet de changement socio politique. Il s’est présenté comme un mouvement de libération, en réplique aux conditions humaines connues en ces siècles de changements et de troubles. Le marxisme a voulu proposer et imposer un modèle de pratique politique et de l’exercice du pouvoir à partir de la notion de classe et de l’histoire étant un fait matériel.
Les rapports sociaux sont selon le marxisme un fait de classe, un fait matériel ; la société est un ensemble de classes partagées et divisées selon leurs positions dans les rapports de production. L’histoire lui-même est un processus de luttes de classes, c'est-à-dire, que l’histoire est régie par cette lutte de classes. En analysant donc ces processus historiques, économiques, politiques et idéologiques, on pourra comprendre tous les parcours que l’humanité a passés, ainsi que les formes de rapport de production, pour arriver à ce qu’il faut faire dans le présent.
Le concept de classe est la clé de voûte, dans le marxisme, pour comprendre ce que c’est que le pouvoir, dans le domaine des rapports sociaux, et de la nature de l’état. Ces rapports sont le produit de la division de la société en classes opposées les unes contre les autres. Donc, l’état bourgeois est le produit du capitalisme qui est la formation de l’époque. Il est par conséquent, selon le marxisme, un outil d’oppression, d’exploitation et de répression entre les mains d’une classe qui en use contre les autres ; le fondement de l’état est donc la classe sociale.
La classe sociale se définit à partir de deux niveaux : Le niveau des structures sociales, et le niveau des rapports sociaux. La classe est le produit de l’ensemble des structures sociales et ses rapports entre elles. Cela veut dire, qu’il ne suffit pas d’analyser les classes à partir seulement de ses rapports économiques ; il faut prendre en considération tous les autres niveaux dans leurs rapports réciproques. Les classes sociales sont des pratiques sociales contradictoires qui constituent le champ des luttes de classes ; le concept de classes sociales ne se limite pas aux niveaux structurels, mais plus encore, au niveau des rapports sociaux qui sont des pratiques sociales. C’est pourquoi, les rapports de luttes entre les classes et leurs existences, sont des reflets de la nature des relations entre les structures et les formes que prennent leurs contradictions dans le champ des rapports sociaux : Ces rapports, sont elles, qui définissent, à tous les niveaux, la forme fondamentale entre les classes et leurs rapports d’oppression et d’hégémonie.
Mais puisque le niveau économique ne détermine pas tout seul les classes sociales, son rôle est tout de même décisif dans tout mode de production, c’est lui qui le domine et le régi. C’est lui qui enfin de compte définit ceux qui dominent dans tout mode de production. Marx et les marxistes considèrent que le pouvoir et ses rapports ont un domaine qui est celui de la lutte de classes, c’est que le champ de la pratique de classe est le champ où naît et se forme le concept du pouvoir.
Le pouvoir chez le marxisme n’englobe que le domaine des rapports sociaux avec les interactions des niveaux économiques, politiques et idéologiques, et comme chacun de ces niveaux à sa propre autonomie relative, c’est que chacun d’eux a son propre pouvoir. De là, on peut parler de pouvoir politique, de pouvoir économique et de pouvoir idéologique. Mais cela ne veut pas dire que ces pouvoirs ont des autonomies totales, mais cela veut dire, qu’ils terminent tous dans le champ de l’appareil d’état, car c’est vers cet appareil que tendent et se rassemblent ces pouvoirs ; or cet appareil est entre les mains et dans la possession d’une seule classe qui le gère selon ses intérêts économiques, politiques et idéologiques.
Et le fait que la fonction de l’état a plusieurs formes : économiques, politiques et idéologiques, par ses rapports avec tous les niveaux, alors, elle joue un rôle global ; or ce rôle est politique, qui est en liaison étroit avec l’état. C’est pour cette raison que le rôle politique de l’état lié avec la lutte politique des classes, définit enfin de compte les fonctions économiques, techniques et idéologiques, en tant que rôle total et global de l’état.
L’état est donc lié à la domination de la classe politique régnante, sans que cela ne signifie que l’état a plusieurs rôles se rapportant chacun à un certain domaine défini ; mais plutôt sa fonction et la même dans tous les domaines, qui vise à maintenir la cohérence politique de l’état dominante. Le concept de pouvoir dans le marxisme ne peut pas être isolé de la classe et le niveau social.
Mais malgré l’importance du domaine politique, la lutte des classes dans le marxisme ne peut être globale que si elle tourne autour de ce qui est essentiel dans ce domaine et qui est l’appareil de l’état ; il y a donc une différence entre le pouvoir de l’état et son appareil, de façon à ce que le pouvoir de l’état soit essentiellement entre les mains de la classe régnante dans la production, alors que l’appareil de l’état est l’outil avec lequel une classe pratique son pouvoir.
L’appareil de l’état est donc le noyau de la lutte des classes et de la lutte politique ; c’est lui le moteur de la lutte des classes et son but final, parce que la possession de l’appareil de l’état entraîne automatiquement la possession du pouvoir de l’état qui est la fin de toute lutte de classe. Ce pouvoir est donc entre les mains d’une classe, et lorsqu’on parle de pouvoir de l’état on signifie le pouvoir d’une classe, dont les intérêts se croisent, sur les autres classes sociales. Les rapports de classes dans tous les niveaux de pratiques sont des rapports de pouvoir.
Le pouvoir est la capacité d’une classe à réaliser ses intérêts politiques, économiques et idéologiques ; un groupe ne peut pas être défini comme classe s’il n’a pas d’intérêts commun qui l’aident à jouer son rôle de classe bien organisé et déterminé sur tous les niveaux ; la classe est donc liée avec l’intérêt, et là où il y a des intérêts commun, il y a une classe qui les représente. Le pouvoir se trouve dans tous les différents niveaux de pratique du moment qu’il y a des intérêts économiques, politiques et idéologiques.
La classe sociale et le pouvoir, dans le marxisme, sont liés aux intérêts de classe. Car le pouvoir se base sur les pratiques de classe et leurs rapports, de là, se définit le pouvoir par un mode de rapport social caractérisé par la lutte. Et puisque le pouvoir est lié aux intérêts et aux classes définies par leurs intérêts, alors, la lutte est le fondement du pouvoir et son indicateur ; de là, le rôle du prolétariat comme classe est de faire sa lutte contre la classe bourgeoise. La notion de la masse gouvernante est aussi un des concepts du marxisme, il signifie le groupe qui appartient au pouvoir ou qui soutient le pouvoir directement ou indirectement, sans que ce groupe ne soit d’une seule et même classe. Ce concept montre précisément la forme du rationalisme dans les sociétés occidentales.
Le marxisme a proposé une analyse de la répartition des classes : la classe gouvernante qui est celle qui prend en main la domination politique ; la classe régnante qui est celle qui domine l’économie ; la classe possédant le pouvoir qui est celle qui occupe et maîtrise le pouvoir, et puis la classe gérante qui est celle qui occupe et possède l’outil de l’état ; ce groupe de classe est bien lui qui forme le pouvoir. Il y a aussi les classes alliées aux classes possédant le pouvoir à travers leur possession de l’état, et puis il y a les classes qui soutiennent les classes possédant l’état, par l’illusion idéologique et sans en tirer profit. Dans l’autre camp, il y a les classes dominées et exploitées. Cependant une classe peut jouer plusieurs rôles, ce qui est un statut complexe, et c’est ce qui explique l’importance des intérêts dans ces rapports de classes et qui fait son impact sur les relations politiques.
Le pouvoir est donc une pratique légitime soutenue par la force : économique, politique, idéologique. La classe dominante exerce son pouvoir sous le titre de la loi et de la légitimité ; de là, on arrive aux conclusions suivantes :
1- le pouvoir est lié à l’intérêt politique.
2- Le pouvoir se limite dans les appareils de l’état et ses institutions, l’état est donc le pouvoir.
3- On ne peut pas parler de pouvoir en dehors des relations sociales des classes et qui est un reflet des structures sociales.
4- Le pouvoir est donc une propriété d’une classe.
Mais là, on se pose les questions suivantes : s’agit-il d’une lecture de l’évolution économique des sociétés où l’infrastructure est la cause de la superstructure et sa raison unique ? Où s’agit-il d’une histoire de la lutte des classes comme étant la référence des rapports de production et de ses conditions historiques d’action politique ? Où s’agit-il de la volonté où il est question de l’action et de l’efficacité ?
En général, c’est là, la vision marxiste du pouvoir qui s’est constituée à partir de Marx et des marxistes. Puisque le marxisme a évolué dans beaucoup de contexte bien différent : La Russie, la Chine et d’autres. En fait, le marxisme voyait qu’il faut toujours partir de l’analyse concrète de la réalité concrète, de là la nécessité d’adapter le marxisme aux différents contextes, comme ce fût le cas chez Lénine, Mao Tsé Tung. Or cette différence est allée jusqu’à la contradiction entre les différentes théories et pratiques marxistes.
Le marxisme définit en général le champ du pouvoir dans les pratiques sociales et l’assigne dans l’appareil de l’état qui garantit les intérêts des classes dominantes par l’idéologie et la violence. Selon Michel Foucault, cette vision prend sa base dans le discours juridique qui se caractérise par les abstractions et les spéculations sur ce que c’est que l’appareil de l’état, c’est pour cette raison qu’elle set restée inefficace et restreinte, elle n’a pas pu connaître le sens minutieux du pouvoir et les éléments qui le gèrent.
En réalité, l’analyse du pouvoir et de sa nature ne doit pas partir de la souveraineté de l’état comme évidence, ni des formes juridiques, ni de l’unité globale de l’hégémonie générale d’une telle domination, car ces postulats ne sont que les formes terminales d’un pouvoir.
Ayant compris cette difficulté, Louis Althusser a essayé d’éviter cela en définissant le déroulement du pouvoir comme un système complexe, comprenant plusieurs institutions comme la police, le corps militaire, l’administration, les tribunaux, les prisons, mais aussi les appareils de l’état comme l’enseignement, l’information, la religion, l’éducation, la loi, l’action syndicaliste ; en faisant une simple différence entre les deux formes d’institutions. La première agit pour défendre le système politique et l’exploitation des classes. La deuxième consiste à reproduire le même mode de rapport dominant ; mais le pouvoir reste quand même cette chose qui fait l’objet pour lequel les classes font la lutte.
Althusser a essayé par là, de mettre la théorie marxiste sur le pouvoir dans un cadre adapté à la nature de la pensée occidentale, pour l’éloigner de la mauvaise image donnée par l’expérience soviétique, alors que les horreurs de Staline n’étaient pas du tout tolérées par la raison Européenne, cette raison qui se situe entre l’exagération du model soviétique et la modération du model libéral. Althusser voulait donner un autre visage du marxisme comme théorie de libération de l’homme, avant que ce marxisme ne s’effondre ; mais il a gardé le même concept sur le pouvoir comme étant lui-même l’état : Le pouvoir c’est l’état. Et quand on parle de l’état on signifie également le pouvoir et rien d’autres.
Pour Althusser, il faut garder l’aspect révolutionnaire du marxisme, concernant le Tout social qui est différent du Tout hégélien, c’est là les propos du matérialisme historique ; Marx conçoit la structure de toute société comme étant formée de plusieurs niveaux qui se manifestent en infrastructure ou en fondement économique ( l’unité des forces productives et les rapports de productions) et la superstructure qui comprend deux niveaux : le niveau juridico-politique et le niveau idéologique, tels que religion, morale, et politique.
Nous sommes donc dans la littérature marxiste où les éléments de base sont la superstructure et l’infrastructure, et lorsque Althusser parle de conception révolutionnaire, il s’éloigne totalement de la notion de résistance comme le propose Foucault ; en fait, entre la notion de révolution et la notion de résistance, s’impose la différence radicale entre la notion de pouvoir de Marx et celle de Foucault, chez le premier le pouvoir c’est l’état, chez le second, il est plus vaste et plus ample, où l’état n’en est que l’outil apparent ; l’état n’est qu’un point dans le champ du pouvoir.
Pour Althusser, sa conception permet d’adapter la preuve de l’efficacité cohérente dans son dispositif théorique et conceptuel, il en vient à deux remarques : Il y a une relative indépendance de la superstructure dans sa relation avec sa base ; et il y a aussi un impacte de cette superstructure sur sa base. Mais cette constatation chez lui reste descriptive et métaphorique, car, il s’agit d’un rapport formel avec la production, et c’est sur cette base, qu’Althusser analyse l’état et ce qu’il considère lié à lui.
Depuis le manifeste du parti communiste de Marx, et l’état et la révolution de Lénine, l’état est la répression, il est une machine de répression entre les mains des classes dominantes qui leur permet de contrôler et de maîtriser tout. L’état est un appareil, et cela veut dire qu’il est une nécessité à partir de la pratique judiciaire : La police, la justice, les prisons et les forces militaires qui interviennent comme forces répressives appartenant au chef de l’état, du gouvernement ou de l’administration, et c’est exactement ce que Foucault refuse.
Althusser voit que la théorie de l’état dans le marxisme léninisme a mis la main sur l’essentiel : L’appareil de l’état comme force exécutive et répressive au profit de la classe dominante dans sa lutte contre son opposée qui est la classe prolétaire. Althusser définit donc l’état par l’état, c'est-à-dire qu’il en fait une tautologie, en confondant entre l’état et le pouvoir.
Althusser voit que l’état et ses appareils n’ont de sens que dans la mesure où ils sont le pouvoir d’état, il est donc une propriété qu’on doit garder avec soin. Il faut cependant faire la différence entre le pouvoir de l’état qui est la cible de toute lutte de classe, et l’appareil d’état. De là, l’état est le pouvoir lui-même, qu’il faut bien garder et maintenir pour l’utiliser dans la lutte.
Selon le marxisme : 1- L’état est l’appareil répressif de l’état. 2- Il faut faire la différence entre le pouvoir de l’état et l’appareil de l’état. 3- Le but de la lutte des classes est dirigé vers le pouvoir de l’état et donc la possession du pouvoir de l’état et de l’appareil de l’état. 4- Le prolétariat doit prendre par le pouvoir de l’état pour détruire l’appareil de l’état bourgeois, en vue de détruire l’état lui-même à travers l’état communiste prolétaire. La destruction de l’état est le but final pour la libération de l’homme, après l’état prolétaire qui détruira l’appareil de l’état quant il aura fondé le communisme, c’est le but sublime du communisme conçu par Marx !
Althusser a fait de son mieux pour rénover ou de mieux montrer la conception marxiste, en essayant de faire des distinctions entre le niveau idéologique, avec sa relative autonomie, et le niveau matériel ; il a fait une démonstration méticuleuse sur le rôle des institutions idéologiques par rapport à d’autres institutions dont le rôle est la force. Mais il n’a pas pu quitter la confusion faite dans le marxisme concernant l’état et le pouvoir ; et cette confusion n’est pas un simple hasard ou accident d’interprétation, mais il est bien élaboré pour justifier la force et la violence que doit pratiquer la révolution prolétaire pour détruire l’état bourgeois. Pour que la classe prolétaire réalise son pouvoir, elle doit faire la révolution contre l’état bourgeois, en vue de lui confisquer ce pouvoir en lui confisquant l’état ; c’est pour cette raison que le marxisme parle et prêche la révolution qui exige la violence totale et globale, voire universelle.
Mais ce que Althusser, et les marxistes en général, n’ont pas remarqué, c’est le monde microphysique du pouvoir. Cela explique les horreurs arrivées et faites dans le model soviétique. Ces visions et ces pratiques, sont restées loin de comprendre la nature du pouvoir, ses relations, ses mécanismes et ses techniques. Le pouvoir n’est pas une chose qu’on peut obtenir ou posséder, il n’est pas une chose qu’on peut confisquer et distribuer, il n’est pas une chose qu’on peut conserver et garder, ou laisser échapper ; le pouvoir s’exerce à partir d’un ensemble illimité et indéterminé de points, et ce dans un jeu de relation toujours ambiante et inégale.
Le pouvoir vient d’en bas, cela veut dire, qu’il n y a pas de dualisme qui met dans un camp les gouvernés et dans l’autre camp les gouvernants. Ce dualisme se reflète à partir d’en haut vers l’en bas, et se généralise de plus en plus dans tout le corps social. Le marxisme considère l’hégémonie comme essence du pouvoir, cela suppose l’existence immanente de la répression et de la soumission. Mais cela suppose finalement le partage de la société selon une dualité métaphysique, d’un coté le gouvernant de l’autre le gouverné, d’un coté ceux qui ont en main le pouvoir, et ceux qui subissent les effets de ce pouvoir. Le pouvoir selon cette conception, est la domination dont le rôle est d’interdire, d’ordonner tout en imposant la soumission ; le pouvoir est finalement la répression qui est l’impôt de la loi, et celle-ci impose la soumission. La violence et la loi sont les moyens qu’utilise le pouvoir pour assurer son effet. Le pouvoir est une contrainte et une négation, une fonction dont le résultat est le refus systématique de la vérité, et l’empêchement de la production du savoir.
Ces pratiques du pouvoir s’accroissent parce que le pouvoir craint la vérité qu’il doit cacher, de là, le marxisme trouve que la vérité et le pouvoir sont contradictoires, et c’est la raison pour laquelle il faut lutter pour faire entendre la voix de la vérité qui est un défi au pouvoir répressif. La vérité est donc un contre pouvoir ; mais la vérité elle-même n’est pas sans pouvoir, elle est pour ça au service de la bonne conscience et de l’intérêt général. Le pouvoir n’est qu’un champ de production de la violence, de la répression et des lois régnantes ; il est une force qui détermine les limites qu’il ne faut pas dépasser, une force qui réprime toute déviation et toute violation de la loi ; en échange, la vérité serait une tendance pour la clarté, la production du savoir et le défi du pouvoir, il est la voie vers le bonheur et la libération.
Selon cette vision, la société vit à la merci du dualisme gouvernant/gouverné : Le pouvoir légal et les corps dociles, la société vit à la merci du pouvoir exclusif de l’état qui est un rassemblement de classes dominantes résultant des rapports sociaux politiques et idéologiques.
Pour Foucault, c’est le contraire même : Le pouvoir ne se localise pas dans un seul champ qui lui serait son siège, il n y a pas qu’un seul, mais plutôt des pouvoirs, à la fois pluriels, dispersés, différents et producteur de plusieurs rapports, et de ce fait, ils n’ont pas de centre qui le possèderait ou le gérait selon leurs propre volontés ; le pouvoir est un rapport de conflit et non pas une propriété, il se trouve partout, et il est un acte pratiqué à partir de plusieurs différenciations ambiantes. Les rapports de pouvoir ne se trouvent pas dans une structure supérieur, et leurs rôles ne se limitent pas à l’interdiction, au contraire, ils ont là où ils s’activent un rôle extrêmement créatif, en plus, ils se pratiquent à partir d’un ensemble infini de points et dans une relation variante et inégale. Mais Foucault n’exclue pas l’aspect d’hégémonie du pouvoir, cette hégémonie existe bien ainsi que la classe, la bourgeoisie n’aurait pas pu apparaître comme classe dominante, si elle n’était pas constituée comme classe ayant ses propre caractères.
La classe bourgeoise a passé plusieurs périodes qui l’ont qualifiée d’être une classe, dans ces périodes elle a pu maintenir un contrôle général et minutieux sur elle-même à partir des questions de la sexualité, de la santé et de la vie … etc. Mais l’hégémonie ne veut pas dire que cette classe possède a elle seule le pouvoir. Foucault a voulu montrer que le pouvoir s’exerce sur les gouvernés comme sur les gouvernants : L’hégémonie n’est pas l’essence du pouvoir. Personne ne se trouve en dehors des rapports de pouvoir, sans que cela ne signifie qu’il y a un dedans et dehors du pouvoir, et sans que cela ne signifie que le pouvoir est au-dessus de toute la société, mais plutôt, qu’il est propagé dans toute la structure sociale, et même dans ses lieux les plus marginaux, et dans toutes les opérations sociales les plus fines des échanges sociales. Le pouvoir s’exerce dans des systèmes divers : Les rapports sexuels, les rapports familiaux et les rapports scolaires.
On ne peut pas parler de pouvoir unique à la possession d’une classe, parce qu’il naît dans l’architecture sociale sous formes de réseaux très riches et complexes, et qui ne cesse de muter d’un point à l’autre. Et pourtant là où il se trouve, la résistance se trouve avec lui comme ses cotés les plus dynamiques. Le pouvoir et la résistance sont deux choses indisparates, chacun d’eux fait face à l’autre dans ce rapport infini.
Mais cette résistance n’a pas pour but de détruire le pouvoir, mais elle est sa contrepartie dans le champ stratégique des rapports de forces. Or les rapports de pouvoir ne se trouvent pas en dehors d’autres formes de rapport : économiques, scientifiques et sexuels ; mais ils lui sont immanents, ils sont les résultats directs qui se produisent des inégalités et des dysfonctionnements qui arrivent au sein de ces rapports, ils sont les conditions intérieurs de ces différenciations.
Le marxisme ne s’est pas présenté seulement comme théorie du pouvoir, mais comme projet de libération ; Marx comme grand critique de la pensée Allemande, surtout critique de Feuerbach et Hegel, a trouvé qu’il ne suffit pas d’interpréter le monde, mais de le changer. La praxis a pris sa place essentielle dans le marxisme, c’est pourquoi les œuvres de Marx étaient soit une critique de la pensée Allemande (L’idéologie Allemande), soit une installation de l’outil révolutionnaire (Le manifeste du parti communiste).
On peut avancer ici quelques remarques à ce propos :
1- La classe n’est pas un concept stationnaire comme l’a cru Marx. Elle existe bien, mais elle n’est pas le moteur de l’histoire, or ce qui fait bouger l’histoire, ce sont les hommes comme individus ou comme groupe. 2- Il en résulte que le marxisme fait disparaître l’individu au profit de la classe. 3- L’individu ou les individus sont gouvernés par les désires et ses dynamismes, et cela compte beaucoup dans la notion de la libération de l’homme, c’est aussi le trou qui explique l’échec du communisme comme projet libérateur. 4- Le marxisme néglige la dynamique de l’individu et son être, c’est pour ça qu’il a échoué comme projet de libération de l’homme, au contraire, il a abouti à une aliénation de l’individu dans le groupe et dans l’état, il est devenu par conséquent plus docile et plus soumis. 5- Le marxisme, en vénérant les intellectuels dirigeants, confisque d’emblée son projet libérateur. 6- Le marxisme a parlé d’un transfert du conflit entre les hommes à un conflit entre les hommes et la nature ; il nous a mis là, devant un projet utopique qui aboutit à autre chose que le communisme, c’est pourquoi l’humanisme marxiste a échoué, au contraire, cela a permit une forme plus violente et plus nuisible à l’homme : Le modèle soviétique !
Je pense que Michel Foucault a repris d’une façon radicale, la question du pouvoir : Le monde du pouvoir est un monde microphysique. Le pouvoir n’est pas une idéologie, mais plutôt un producteur de savoir, avec lequel il renforce ses stratégies, sans ce savoir, le pouvoir ne pourra pas continuer. Foucault renverse les choses : Les institutions sont des formes apparentes du pouvoir, il faut donc aller encore plus loin pour analyser le pouvoir, il faut dénicher la présence du pouvoir et ses techniques là où il est le moins visible ! Comprendre le pouvoir est un acte interminable, vigilant et prudent, au lieu de se contenter de l’explication simpliste du marxisme.
Foucault a donc présenté une lecture plus radicale, plus minutieuse et plus flexible du pouvoir. Il a eu le courage de poser et de répondre aux questions suivantes : Qu’est ce que le pouvoir ? Comment se fonde-t-il ? Comment se définit-il ? Où peut-on chercher ses traces ? ET quelle est la nature de son intelligibilité ? Qu’est ce qui justifie ses proliférations et ses manifestations multiples à travers et dans le corps social ? Dans ses recherches, Foucault a découvert ce corps étendu et propagé comme le loyer d’une araignée, qui tire vers lui toutes les dimensions existentielles de l’homme, l’assimilant avec violence jusqu’à ce qu’il se transforme en contre force ! Y compris contre lui-même !
TRIBAK AHMED

1- Foucault M. : « Les intellectuels et le pouvoir » Entretien avec Gilles Deleuze, in Dits et Écrits, n° 106.
2-Foucault M. : « La volonté de savoir » Gallimard, 1976.
3- Althusser L. : « Positions » Éditions Sociales, Paris, 1976. p.74.

23.2.08

Lacan et Descartes



La philosophie de Descartes repose dès son départ, sur quelques concepts essentiels ; ils forment tout l’édifice de cette philosophie : L’évidence – L’immédiateté – Le cogito. En analysant ces concepts dans leur fondement, nous pourrons observer le seuil et les limites de cette métaphysique.

Le cogito règle d’abord l’espace du doute qui a traîné longtemps chez la pensée scolastique. Le cogito montre finalement que la légitimité du doute n’est que méthodique, c'est-à-dire, qu’il n’y a pas de doute. Le doute est au service de la clarté, de la raison, de l’ordre. Le désordre est un phénomène humain, temporaire, un dysfonctionnement de la raison. Mais l’origine c’est l’ordre. La raison n’a qu’à ordonner méthodiquement les choses, pour qu’elle devienne raison.

Il est donc une question méthodique de résoudre les confusions et les erreurs, pour que la raison devienne ce qu’elle est : une vérité claire, simple et évidente. La raison est elle-même une évidence par sa nature, et ce n’est que l’erreur méthodique qui embrouille la raison.

 partir de là, il faut ordonner les choses, et cela en écartant ce qui embrouille l’évidence. En passant par ce chemin de doute, toutes les confusions tombent et se dégagent, mais l’essentiel reste pertinent : le je qui pense. Cependant, ce n’est pas l’Ontologie d’Aristote qui est fausse, mais sa façon d’ordonner les choses ; ce qui manque à Aristote c’est l’ordre ; or en ordonnant cette philosophie, on établit l’évidence suivante : Le je qui pense et que rien ne peut embrouiller. En plus, il est garanti que le je qui pense ne peut pas se tromper pour une raison quasi sûre : Un dieu garant. Le je qui pense est garanti, il s’ensuit que tout ce qu'il pense est vrai. Le cartésianisme est basé sur cette hypothèse métaphysique.

En se fondant ainsi, le rôle du je, n’est plus que d’ordonner les choses et les rendre évidentes, c'est-à-dire assurer le bon sens. C’est donc quoi l’évidence ? Elle est l’état des choses telles qu’elles sont dans leur essence ; les choses sont claires, et ce qui embrouille leur clarté, c’est le mauvais usage de la méthode. Ce ne sont pas les choses qui sont incertaines, mais le mauvais usage de la raison qui les rend ainsi, quant on ne sait pas ordonner les choses ; ordonner les choses, c’est les mettre dans un état d’immédiateté par rapport à la raison, de façon à ce que cette dernière puisse les concevoir directement.

Les choses sont immédiates par leur nature, et en tant que telles, elles se présentent immédiatement par leur nature simple dans la raison dont le rôle est d’organiser les choses et leur donner un ordre, de façon à ce qu’elles soient disparates, simples, isolées et libres de tout embrouille, et rendues chacune à sa propre identité, à sa propre entité ; les choses sont évidentes lorsqu’elles sont réduites à leur identité, et à leur entité sans confusion, ni composition ; les choses sont évidentes lorsqu’elles prennent leurs formes mathématiques, c'est-à-dire, lorsqu’elles deviennent mesurables et calculables : L’état genre.

Quand les choses sont évidentes, elles deviennent immédiates, c'est-à-dire représentées directement et sans médiation dans la raison. Et donc, la raison c’est rendre les choses évidentes, c'est-à-dire immédiatement représentées dans la raison. Les choses doivent être décomposées pour devenir évidentes, donc immédiates. Les choses doivent être décomposables et composables ; sinon, elles ne peuvent pas avoir le statut de l’évidence et de l’immédiateté. La méthode est donc l’activité de la raison pour composer et décomposer les choses, analyser et synthétiser les choses, c'est-à-dire, leur donner le statut de l’évidence et de l’immédiateté, c’est pourquoi la méthode repose sur la mathesis. La pensée cartésienne est une pensée fondée sur la mathesis dont l’activité est de décomposer les choses pour les mettre nues de toutes confusions.

La philosophie cartésienne est une philosophie de présence, la présence c’est la capacité des choses et leur nature simple à se présenter devant la raison, puisque les choses sont de leur nature évidentes et immédiates ; elle est aussi une philosophie de sujet puisque le point de son départ est le sujet pensant que nul ne peut tromper. Lacan détruit la philosophie cartésienne en s’adressant à son point de départ : Le sujet pensant. Pour Lacan, le sujet est pluralité dans sa structure ; le sujet ne contourne pas sa structure intérieur qui reste pour lui impensée. L’impensé c’est l’espace intérieur que le sujet ne peut pas penser ; cet espace est inconscient, et de ce fait, le sujet ne peut pas garantir l’évidence et l’immédiateté : Tout l’édifice cartésien s’effondre. Donc, les choses ne sont ni évidentes, ni immédiates ; le sujet non plus, n’est ni évident, ni immédiat. C’est pour cette raison que les philosophies de présence et de sujet sont des philosophies métaphysiques.

TRIBAK AHMED

13.2.08

Sur l’histoire de l’Humanisme



Le rôle de la philosophie selon Nietzsche n’est plus de dire la vérité de tous, et de tous les temps, il est plutôt de diagnostiquer ; diagnostiquer le sens comme symptôme. La philosophie est une lecture sémiologique des symptômes que laissent voir les sens.

Il ne s’agit plus de chercher les causes principales de l’être, il ne s’agit plus de trouver l’évidence et l’immédiateté des choses qui s’infiltrent dans la raison, à partir d’un sujet pensant, pour construire la rationalité de l’être, il ne s’agit pas non plus de rendre intelligible le cours d’un esprit dans l’histoire pour aboutir à une raison absolue. Bref, il ne s’agit plus de chercher les principes qui expliquent l’existence, ou qui sont les principes originels de ce monde existant. Il s’agit d’interpréter, dans un mouvement infini, les sens que nous produisons sur le monde dans un rapport violent que notre volonté de puissance fait subir aux choses. Dans ce sens, que veut dire l’humanisme ? Le concept d’humanisme n’a-t-il pas subi lui-même une altérité permanente ? Sans doute il est apparu dans un contexte historique, et a subi par la suite différents sens ; il a été interprété a plusieurs reprises selon les volontés humaines. Seule une généalogie du terme peut nous aider à en révéler les différents sens.

En fait, la relation de l’homme avec l’homme était souvent une relation de violence et de force, elle l’est toujours, et elle le restera. Reste que la forme de cette relation a changé selon les cultures et les contextes sociaux et historiques : et c’est ce qu’on doit se rappeler comme événements et discours. La première apparition de ce terme revient au 15ème siècle, où on a commencé à parler de l’homme comme valeur honorable et respectueuse. On a soulevé les raisons qui font de l’homme une valeur privilégiée, puis on lui a accordé un sens moral, c'est-à-dire, un comportement positif, l’un vis-à-vis de l’autre, puis vient le sens philosophique à partir du 17ème siècle. C’est la période où commence un mouvement au sein des instituts religieux en faveur de l’homme ; mais en fait, c’est que ces instituts avaient perdu leur pouvoir politique qu’ils avaient durant longtemps (le moyen âge).

En général, l’humanisme a commencé comme un constat qui donnait à l’homme une certaine valeur, certes un peu timide, mais quand même valorisant l’homme comme une valeur importante dans le monde, par rapport aux autres espèces ; c’était la période où les établissements religieux ont perdu leur statut politique. Et c’est à partir de cette rupture entre politique et religion que cette dernière a commencé à reconnaître successivement l’homme. Mais ce n’est qu’en 17ème siècle que l’homme parvienne à occuper une place respectueuse.

On trouve chez Kant quatre questions de départ : que dois-je savoir ? C’est le niveau métaphysique. Que dois-je faire ? C’est le niveau moral. Qu’est-ce qui me le permet ? C’est le niveau religieux. Mais ces questions se réduisent finalement à une quatrième question : Qu’est ce que l’homme ? Cela veut dire que Kant a dépassé là, le domaine de la philosophie théorique, et aussi la philosophie pratique. L’homme était donc au centre de la philosophie de Kant. Il a dévié la question qui concerne l’existence et le dieu. De ce fait, Kant a marqué un point considérable, par rapport au statut de l’homme du moyen âge, où l’homme n’était qu’une bête à gouverner et à investir.

Platon n’était pas loin de ce sens, or « la république » donnait ce sens qui correspond aux trois niveaux naturels de l’homme : la raison, la colère, le plaisir ou l’usage des plaisirs dira plus tard Foucault. Selon cette division de Platon, le philosophe doit gouverner (la raison), le militaire doit assurer les ordres des gouverneurs (la colère), le public n’était que des bêtes à consommer (Le plaisir), en plus les esclaves et les femmes n’étaient même pas classés dans sa république ; toute cette hiérarchie ne mettait pas sérieusement l’homme comme valeur réelle et centrale, le centre était la vertu et le fait de se la rappeler.

L’humanisme n’était pas encore une conception claire en philosophie à l’époque grecque. On peut donc parler de quatre périodes concernant le sens de l’humanisme : la première période où il est apparu un certain intérêt qu’on donnait à l’homme en lui accordant une valeur au niveau philosophique et en critiquant le rôle de la religion, sans pour autant oser critiquer la notion de dieu, c’était le moyen âge. La Mirandole voyait que le succès de la pensée est plus important que le ciel, et qu’il n y’a rien d’important sur terre que l’homme ; puis rien de vénérable chez l’homme que sa pensée et son âme. Or, le ciel ici, ne signifie pas dieu ; ce dernier est plus grand que toute chose. Mais il reste que cette importance qu’on donnait à l’homme était quelques choses de nouveau.

Erasme voyait qu’il n y’a aucun intérêt dans un homme que dieu crée et manipule comme de la patte ; dieu selon lui n’est grand que dans la liberté de l’homme ; donc cette période a connu les premiers pas positifs dans le sens de l’humanisme. Sans doute, la révolution de Luther était encore un pas assez important dans l’évolution de l’humanisme. Mais la période des lumières a connu une vraie révolution dans la confirmation de l’homme et de sa valeur.

L’âge des lumières est un changement sur tous les niveaux ; d’où l’importance de la révolution française qui a donné naissance à trois composantes intellectuelles : l’histoire, l’économie, la psychologie. La pensée des lumières se base essentiellement sur la liberté de l’expression et la critique de la religion et des croyances en général. Et quoique Hegel n’ait pas beaucoup apprécié la révolution française, il l’a quand même considérée comme un événement majeur de son époque, tout en insistant sur le réformisme Allemand. L’humanisme a donc connu son début à l’âge de la renaissance, où on a reconnu une certaine valeur, pour arriver à un changement ontologique dans les lumières.

Et pourtant des questions quasi importantes exigent des réponses : Qu’elles sont les repères qui nous permettent de parler d’un humanisme ? Quelles sont les conditions de fond nécessitées pour définir clairement ce qu’est un humanisme ?

Il y’a au moins quatre conditions pour cela : 1- il faut que l’homme devienne un concept cohérent et une unité intellectuelle, or ceci n’a jamais pu être réalisée. 2- Il doit y avoir une définition formelle à propos de cet être qu’est l’homme ; les sciences essaient depuis des siècles de répondre à cela, sans jamais parvenir à donner une définition nette sur l’homme ; et c’est ce que la morale a essayé de faire en vain. 3- Quel est le statut de l’homme dans cet univers ? Toutes les réponses scientifiques apportées finissent par le mettre à l’échelle des espèces naturelles. 4- Et puis que faire devant la finitude de l’homme ? L’homme meurt comme toutes les autres espèces. En fait les réponses à ces questions ont toujours tourné au tour de l’un des propos suivant : 1- l’homme est sa nature physique, matérielle et biologique. 2- L’homme est, au contraire, sa culture. 3- L’homme n’est ni sa nature, ni sa culture, c’est plutôt sa capacité de se libérer de sa nature et sa culture.

Aucun de ces propos n’a régné sur les autres, et on continue dans cette ambiguïté. Dans les mots et les choses, on trouve la première tentative réussie de montrer comment la notion de l’homme et aussi de l’humanisme a émergé au niveau du savoir au début du 17ème siècle. Paradoxalement, selon Foucault, l’homme a disparu au moment même où il est apparu comme notion culturelle. Mais, ce n’est qu’à partir de là, que l’humanisme devient sérieux et vrai : sérieux parce qu’il a confisqué la transcendance à l’homme en lui rendant sa naturalité ; et vrai parce qu’il a posé l’homme au niveau de la politique.

Tribak ahmed

3.2.08

Le marteau de Nietzsche



Le marteau de Nietzsche est une métaphore considérable dans sa pensée. Il est vain de la prendre pour un terme précis. Par contre, il est nécessaire de la voir à partir de son sens lié à la généalogie. Nietzsche parle sérieusement d’un marteau, mais il parle aussi d’idoles.
Dans son analyse généalogique, il parle tantôt de marteau médical, celui que le médecin utilise pour diagnostiquer la maladie d’un corps « le diapason ». Tantôt il parle de sculpteur. Il parle aussi du clavier de piano d’un musicien. Mais le marteau de Nietzsche n’est, ni celui du médecin, ni celui du musicien, ni celui du sculpteur. Il est quoi alors ?
Voyons ce qu’il y a de commun chez tous ces utilisateurs de marteau : un son qu’on cherche, et c’est à partir de ce dernier qu’on cherche un sens précisément ! Or, ce n’est pas le son qui intéresse Nietzsche, mais c’est le sens qu’il représente, et c’est ce sens que le médecin ou le musicien cherchent, et non pas le son lui-même. Le sculpteur ne cherche pas le son, mais une forme qui devrait signifier, une forme relative à un sens. C’est donc la forme ; mais cette dernière n’est que pour représenter un idéal esthétique, il n y a pas de son, et la forme n’est pas vraiment importante, mais c’est l’idée ou plutôt le sens que le sculpteur cherche.
Dans les trois cas, nous voyons finalement, que c’est le sens qui est visé. Or Nietzsche lui même ne cherche pas les idées ou les idoles en soi, mais ce qu’elles signifient, c'est-à-dire le sens qu’elles émettent. Son marteau s’ajoute aux autres dans ce niveau commun : Le sens. La visée de Nietzsche reste finalement le sens, et le marteau est un outil d’interprétation.
La quête généalogique a pour objet direct les idoles, qui elles, ont une histoire, parce qu’elles se sont formées dans un parcours historique. Seulement dans ce parcours, elles ont signifié des sens. C'est-à-dire qu’elles ont modifié et se sont modifiées durant leurs parcours. Le sens change constamment selon l’intérêt des gens qui en donnent la portée selon leur combat dans la vie, selon leur volonté de puissance. Le sens se produit et change selon la volonté de puissance.
Or la volonté de puissance vient de la vie des sens, elle vient des pulsions, des désirs, des ambitions, des affects. Le sens se produit dans ce mouvement qui oppose les hommes à la réalité qui reste toujours objet d’amour ou de haine, de passion ou de refus. Les idoles se sont formées dans cette relation toujours conflictuelle et violente. Mais les idoles sont une déformation des passions, une production maladive du sens. Une volonté faible ne gagne pas ce conflit, elle échoue, alors, elle crée des sens pour justifier l’échec et le détourner, elle en fait un sens mensonger. Alors la réalité devient une illusion, et le sens trompeur remplace la réalité, et c’est comme ça qu’il devient idole, c'est-à-dire une fausse idée, une illusion créée devenant sacrée. De là, sa négativité, puisqu’elle traîne les hommes vers la méconnaissance et le sous-estime de soi. Cette méconnaissance conduit l’homme à la négation de la vie, au nihilisme.
Platon en a donné l’exemple, à partir de cette histoire de la caverne. Selon lui, notre rapport à la réalité serait comme s’il était contradictoire : ce qui nous parait vrai n’est que facticité, et ce qui est représentation est bien la réalité. Le vrai sens de notre réalité, notre vraie vérité est là haut : un idéal, une idole. Ainsi la vertu, ce n’est pas celle qui vient du corps, des affects et des pulsions, mais celle qui est défaite de toute sensibilité. Il faut oublier le corps et ses demandes trompeuses, c’est vers quoi emmènent les idoles.
En revanche, il faut se rappeler du monde vrai en dressant le corps à éviter et négliger ses demandes. Le vrai n’est pas ce qui vient du corps, mais ce qui vient de la représentation. Le Platonisme est un dualisme qui sous-estime le corps pour valoriser les idéaux. Le salut des gens est dans la méditation des idéaux et non pas dans la satisfaction du corps. Le Platonisme est l’application du christianisme dans la philosophie.
Les idoles se sont modifiées durant le temps, elles ont pris un masque ; cependant, les hommes qui ont oublié l’histoire de ces idoles, en deviennent victime. Ils ne peuvent plus reconnaître la nature trompeuse de ces idoles, c’est pourquoi, Nietzsche parle de marteau qui sert à démystifier les idoles comme illusions, pour permettre aux hommes de revenir à eux mêmes, à leurs natures, à leurs corps. Par l’effet négatif des idoles, les gens tombent malades, puisqu’ils renoncent à leur santé naturelle ; puisqu’ils renoncent à l’appel de leur corps. Les idoles sont une contre nature, puisqu’elles empêchent la volonté de puissance des hommes.
Le surhomme est l’homme qui a compris que les idoles sont de fausses idées qui l’empêchent de vivre sa nature. Il n’est pas un homme surnaturel, il est l’homme sachant que nulle vérité n’existent en dehors de sa volonté et de sa guerre pour gagner le défi contre tout ce qui empêche la vie, la création de la vie. Il est l’homme qui a compris le danger mortel et morbide de idoles et est allé jusqu’à détruire et tuer la plus grande des idoles : Dieu. La tâche de Zarathoustra est de dire cela aux hommes, de leur faire comprendre qu’ils sont les plus fortes des créatures et qu’ils doivent aller encore plus loin dans leur volonté de puissance, d’aller vers leur extrême, c'est-à-dire de se surpasser. Le marteau de Nietzsche n’est que la généalogie qui montre comment les idoles se sont formées comme mensonges pour nuire à la vie des hommes ? Ce marteau est un outil de construction du nouvel homme : le surhomme.

TRIBAK AHMED


1.2.08

Métaphysique et pensée



Que signifie la fin de la métaphysique ? D’abord, c’est Heidegger qui a annoncé cette proposition ; c’est d’ailleurs le point de départ de son projet philosophique : reprendre la question métaphysique pour en finir. Heidegger pose la question fondamentale ! Qu’est ce que l’être ? Il arrive à ceci : la métaphysique (de Platon à Hegel) a oublié de répondre à cette question, elle l’a substituée par une autre : Qu’est ce que l’étant ? Toutes les métaphysiques ont travaillé dans ce chemin, Aristote trouve que l’être de l’étant tourne au tour de éléments principaux : la forme et la matière indéfinie. Descartes trouve l’être de l’étant dans le « je » pensant, le « je » qui doute, puis arrive à l’évidence qu’il est le départ même de l’être. Tous les « étants » s’expliquent par le fait qu’un « je » est sûr qu’il pense, et qu’il ne peut pas se tromper en cela : que tous les « étants » se représentent dans l’immédiateté devant ce « je » ; et par là, ces « étants » sont. Hegel, voulant dépasser le vide entre le « je » et l’étant, finit par trouver un rapport de médiation entre le « je » et les « étants », c’est que le cour de la négation fait qu’il y’a une cohérence organique entre ce « je » et ces « étants », cela veut dire qu’il y a un TOUT qui n’est ni le « je » ni les « étants », mais la raison toujours en devenir. Dans toutes ces expériences métaphysiques, c’est l’étant qu’on pense, mais jamais l’être. La métaphysique est donc un oubli, un impensé. La fin de la métaphysique est donc le fait de penser qu’il y’a un oubli, un impensé ; et dépasser la métaphysique, c’est penser l’impensé. Le fait de constater qu’il y’a un impensé, qu’il y’a un oubli de l’être, est un fait majeur dans l’histoire de la pensée, ça change tout, puisque l’objet de la pensée ne sont plus les causes finales qui expliquent l’être, mais l’impensé dans toute pensée ; or l’impensé dans toute pensée est l’état de dévoilement de l’être qui n’a pas encore dévoilé ce qui est resté comme non dévoilé de l’être, et cela, c’est l’objet de la pensée et non pas de la métaphysique ; cette dernière a dévié son chemin en n’insistant que sur l’étant, considérant ses réponses apportées comme vérité finale de l’être. La métaphysique ne reconnaît pas l’impensé, elle ne le pense pas. Mais la pensée continue après la métaphysique puisqu’elle refuse ses réponses, et prend en charge de penser l’impensé. Penser l’impensé, c’est essentiellement agir ; cela veut dire pousser l’être à se dévoiler par l’effet de l’action. La pensée est donc l’état de la technique actuelle qui traverse l’être de l’étant et le dévoile. La fin de la métaphysique est la fin d’une pensée qui n’a pas achevé sa quête, en oubliant l’être ; mais cela n’est pas une faiblesse ou une erreur, c’est son propre parcours qui ne pouvait pas être que dans cette limite. Or la pensée continue après la métaphysique, parce qu’elle est posée au niveau de la technique. La fin de la métaphysique veut dire qu’il n’est pas possible de penser l’être à travers les philosophies métaphysiques (Aristote, Hegel, …) et la continuité de la pensée veut dire penser l’être au niveau de la technique. Cependant, la technique n’est pas identique à la pensée, elle est sa forme actuelle, d’où la question sur l’essence de la technique moderne. On ne peut plus penser en terme métaphysique, c’est pourquoi la pensée aujourd’hui est une pensée post moderne, Nietzsche en est le fondateur !
TRIBAK AHMED


13.1.08

La voix de Zarathoustra


La mythologie grecque

La philosophie grecque n’est pas venue d’un vide, au contraire, elle s’est formée au sein de la mythologie grecque ; je peux dire même que cette dernière en était le fondement et le départ. En fait la mythologie était le socle sur lequel s’est fondé toute la pensée occidentale. Ce n’est pas par hasard que Nietzsche est parti chercher dans la naissance de la tragédie grecque, ce qui est resté occulte comme interprétation et vision du monde. C’est dans cette pensée que s’est constituée toute la pensée humaine, et qui reste encore imprégnée par les traces de la vision grecque du monde.
Ainsi, on comprend cette attaque que Nietzsche a adressée à Socrate et Platon, mais aussi au christianisme ; les considérant responsable de ce qu’il a appelée la décadence. Que veut dire cela ? Que veut dire la décadence ? On sait que la vision grecque était fondée sur la volonté et
sur la puissance ; la vertu n’était en fait que d’ordre de la puissance ; il faut avoir la « bonne humeur » et la joie dans le cœur, il faut faire la guerre à tout ce qui est contre la vie. La réalité est plate ; le sens est plat ; il faut se dresser debout et droit pour créer la vie, il faut avoir le cœur de Dionysos. Le sens de la vie est plat, il est là devant nous, et il suffit de le refaire, et pour cela il faut vaincre.
Tout cet esprit et cette vision ont été bouleversés par les philosophes ; Socrate était le premier à corrompre cette relation directe avec la nature, avec la réalité. Le christianisme n’était que l’annulation de cette morale noble, qui crée la vie. La civilisation grecque se fondait sur un dualisme claire et net : le soi en face de l’extérieur. Les dieux grecs ne disposaient pas d’une existence isolée des hommes, et n’étaient pas doués d’une supériorité qui tranche catégoriquement avec les hommes. Autrement dit, les grecs avaient un rapport direct avec la réalité. Leur dualisme était banal puisque, tout se fait à partir de la volonté de l’homme. Ce sont les philosophes, à commencer par Socrate et Platon, jusqu’à Hegel, qui ont ridiculisé le statut de l’homme, et qui ont confisqué au dualisme grec, sa nature noble et directe, au profit d’un dualisme où le rapport avec la réalité est devenu idéalisant et producteur d’illusion, et surtout d’idoles et de valeurs de décadence.
Ainsi pour comprendre la philosophie post moderne, dont Nietzsche était le premier fondateur, Il faut d’abord penser à se libérer de l’influence de la philosophie moderne et ses concepts ; voire son esprit. Je pense que cette lecture peut se faire à partir de Nietzsche, qui pour lui, tous les problèmes philosophiques de l’homme, ont commencé, lorsqu’on a corrompu la tragédie grecque, et lorsqu’on a cessé de voir la réalité comme un espace plat et direct, sans avoir besoin d’y voir une profondeur. Comprendre Nietzsche, c’est en même temps, comprendre le faux monnayage de la philosophie de Platon à Hegel. Je pense qu’il faut apprivoiser cette philosophie de marteau, pour pouvoir décrire cette transition inédite dans l’histoire de la philosophie. La lire sans prendre distance de ce que la philosophie a produit depuis Aristote jusqu’à Hegel, c’est resté
à sa marge, sans pouvoir comprendre sa richesse. Je crois que c’est à partir de là, c'est-à-dire de la nature de cette lecture, que provient la confusion souvent engendrée à propos Nietzsche. Il est vrai que son style, et sa façon fragmentaire de s’exprimer, étaient la cause de plusieurs confusions, mais n’est-il pas là aussi, son point fort, puisqu’il a opposé et contrarié l’écriture classique, bien sage et clairvoyante.
Nietzsche avait l’acuité de réaliser que tous les maux de la philosophie, venaient de la mythologie grecque, et son impacte imminent sur l’histoire de la pensée philosophique et de la pensée en général. Les fondements même de la pensée occidentale, se sont faits à partir de la tragédie grecque, où les dieux grecs et les hommes, s’échangeaient les rôles et les puissances ; la force fût la vertu majeur, et c’est de là que vient la généalogie du noble, c'est-à-dire l’homme en tant que prédateur suprême : même Poséidon est entré en conflit avec Ulysse, lorsque ce dernier humilia et défia les dieux criant triomphe. Le christianisme a évolué lui aussi dans ce contexte : Un homme fils de Dieu, chargé de prêcher pour son père !
Toute l’histoire de la pensée est restée imprégnée par cette dualité : Dieu en face de l’homme, la vérité en face de l’erreur, la force en face de la faiblesse, l’immortalité en face de la mortalité. Avec la seule nuance, celle qui a penché cette dualité plus du côté de dieu que de l’homme, ce fût l’effort du christianisme ; et la philosophie a pris le soin de mettre en valeur ce penchant, depuis Platon jusqu’à Hegel. Ce dernier a eu le privilège de provoquer la révolution des philosophes : Marx, kierkegaard, et surtout Nietzsche. Le 18 ème siècle ne pouvait plus supporter cette dualité corrompue : L’absolu gouvernant sur le relatif, Dieu et derrière lui l’église, régnant sur l’homme !
Nietzsche était le premier a renversé les statuts, non pas en déclarant la supériorité du relatif sur l’absolu, mais de changer leur position, en donnant place à l’interprétation, en évoquant la pluralité du sens, en donnant à l’humain sa valeur naturelle. Ceci a été bien expliqué par Gilles Deleuze « La tâche d’aujourd’hui est de produire le sens ». Je pense que Nietzsche a été le premier à renverser cette position, à travers un travail dur et impitoyable. On peut cependant parler de l’avant et l’après Nietzsche. Lui-même le disait avec force ; le christ n’est plus, la naissance de l’homme porte désormais une nouvelle date, celle qui commence par la venue de Dionysos : « Je suis Dionysos contre le crucifié »1. Il faut cesser de mesurer le temps à partir de cette décadente naissance, et à partir de cet instant commence le dernier verdict de Nietzsche2.

La tragédie grecque

Il n’existe pas un peuple qui était aussi proche de la terre, c'est-à-dire de soi même, comme l’était le peuple grec. Ce peuple avait cette capacité extraordinaire, comme le disait Nietzsche, de voir les choses et les phénomènes en tant que plat, en tant que sens direct, qu’il faut changer, battre et combattre. Cela suppose de ne croire qu’à la puissance, qu’à la volonté de faire face au danger et le vaincre, de faire face à la mort ; c’est pourquoi, les vertus majeurs étaient pour eux, la guerre, le courage, le trophée ….il n ’y a pas de place pour les faibles ; la pitié, la chasteté, toutes ces valeurs sont le symptôme d’une maladie ; la maladie professée par Platon et le christianisme : Ainsi, il faut s’armer d’un marteau pour décamoufler le son muet de cette maladie ; un diapason pour dénicher les signes de cette terrible maladie, qui consiste à confisquer à l’homme, ce qui lui est propre et sain : sa volonté de puissance, son amour pour la terre, et sa joie naturelle, son usage de la vie : « L’optimisme est un signe de superficialité, le pessimisme est un signe de décadence, mais l’optimisme tragique est l’état de l’homme qui sait que la vie est une guerre, un conflit, des contradictions, et sent la fierté en sachant cela » ( Nietzsche ).
La dualité grecque était donc de se positionner comme guerrier devant l’autre : Les dieux, les fils des dieux, la nature en tant que défi …c’est une dualité qui ne laisse pas de place transcendante ou supérieur à cet autre vis-à-vis de soi, il n’y a pas lieu à la soumission ou à la résignation, mais plutôt à l’action et à la puissance ; c’est une dualité qui ne divise pas la vérité entre celle qui est absolue, et celle qui est illusion. Cette dualité fût corrompue par Platon et ses successeurs, en exterminant d’elle la puissance, et en y mettant à sa place, le fatalisme de l’homme subitement géré par Dieu et ses lieutenants sur terre.
La civilisation islamique avait compris cela, c’est pourquoi elle a parlé d’un Dieu en rupture quasi-totale avec l’homme et la réalité, un Dieu absolument transcendant, donc absolument souverain et régnant sur tout ; cette civilisation a fait de Dieu le seul créateur, le seul gouverneur, face un homme désarmé de tout : Puissance, savoir …etc.

Le Platonisme

Socrate avait cette tâche mortelle d’affronter le scepticisme qui a entraîné l’explosion du sens, et qui a soulevé la souveraineté du sens ; l’expérience des sceptiques était unique en ce qu’elle a été contre toute transcendance du sens ; ainsi, il a préparé le chemin pour Platon, avec qui, la dualité métaphysique a pris une forme tranchante et déterminée : Il y a d’une part la vérité ou le monde vrai, et d’autre part l’illusion, cependant Dieu n’est plus en contact avec ce qui est humain et mondain, cette exception est réservée au christ, le seul fils de Dieu. Presque tous les philosophes ont accordée cette valeur. La dualité a donc pris une autre tournure, elle est devenue la vérité absolue face à la vérité dérisoire.
Platon est le fondateur de ce dualisme, qui va régner sur et dans la philosophie jusqu’à Hegel. La trace grecque est là, c’est la dualité elle-même, mais avec une autre portée métaphysique où l’homme s’est réduit au rien ! Tout ce qui est humain est devenu symbole de l’imparfait, de la honte, de l’humble, ou pour dire plus clair, symbole du Mal, en échange du Bien prêché par la religion, et par toutes les théories métaphysiques et morales. L’homme est devenu objet de jugement, de punition divine, un pouvoir anticipé sur terre par la religion et les religieux. De là, naissance de la dualité : Mal et Bien, et d’un système de valeurs basé sur la punition et l’interdiction, d’où aussi, la naissance de la notion du péché et surtout la naissance d’une créature, dont la seule tâche est de rendre malheureuse et pénible, la vie des hommes. L’homme est assujetti à un ordre touchant et bloquant sa volonté en temps qu’être, capable de changer, de créer, d’agir et de faire de son existence une jouissance, une joie. Les sept péchés capitaux forment l’extrême de cette morale, qui inculque aux êtres humains la peur, la frustration, les remords, le renoncement au plaisir, qui sème l’angoisse et cultive le ressentiment. Nous sommes ici, loin de l’homme tragique, croyant à sa force, et son être créatif. Les sept péchés capitaux se trouvent implicitement dans toutes les religions, avec d’autres formules, et d’autres configurations, toujours aussi sévères et répressives. L’homme a des instincts, et il doit être puni pour ça ! Ainsi réagi toute religion. Toute religion est essentiellement contre l’affect, le désir, les pulsions, c'est-à-dire, contre l’humain, et c’est pour cette raison que la morale religieuse est « Humaine, trop humaine ! ».
Au niveau du savoir, l’homme est incapable, par sa raison handicapée, de déchiffrer les sens de la nature, c’est une compétence exclusive à Dieu et ses prêcheurs. Platon a bien distribué les rôles : L’Etat doit être dirigé par le philosophe et sa clique, les soldats pour l’ordre, les citoyens pour la vie quotidienne tracée d’en haut. Ce rôle fût confisqué aussi par les gérants des instituts religieux. L’homme est touché dans ses intimités les plus profondes, et son plaisir est quantifié. La philosophie et la religion marchent conjointement, avec une complicité très étroite, sous le règne du politique, qui s’est procuré les pouvoirs de faire basculer la balance, en faveur de l’un au détriment de l’autre. La politique a toujours été partie intégrante dans cet équilibre. L’histoire des valeurs ne serait-elle pas une histoire politique ?
Mais jusqu’à quel point peut on dire que la philosophie jouait habilement avec ces autres ordres, pour faire apparaître ce que l’on ne veut pas apparaître ? L’histoire et la biographie des philosophes témoignent de cela. Je pense que M. Foucault a très bien montré cela, surtout dans son ouvrage « L’ordre du discours » Le discours, tout discours est soumis à des règles très efficaces et vigilantes, définissant et marquant le vrai du faux : on ne peut pas dire tout et n’importe où ! Le discours est un objet de pouvoir, il est aussi désir de pouvoir.

La naissance de la métaphysique

Je parle bien sûr de la métaphysique quand elle a pris sa forme systématique, cela est arrivé avec Platon. Ce dernier a donné à la philosophie ses trois fameux axes : L’Ontologie – La gnoséologie – L’axiologie. La réalité a donc trois niveaux qu’il faut étudier selon ces trois catégories connues chez l’homme : la raison, la colère, l’amour, c'est-à-dire « L’usage des plaisirs » Mais la structure finale où mène cette métaphysique est la suivante : Il y a deux existences, l’une est réelle représentant l’absolu, l’autre est illusoire représentant l’humain et le naturel. Platon a pris soin de formuler l’exemple de la caverne où se reflète l’ombre de ce qui existe ailleurs. Or, ce qui existe ailleurs, c’est la réalité absolue que seuls les philosophes sont capables de se rappeler et de rejoindre ; dedans c’est la fiction que la masse voient, croyant par erreur que c’est la réalité, alors qu’elle ne l’est pas : Voilà que nous sommes devant une dualité tranchante et déterminée ; et cela fût adoptée par tous les autres ordres du savoir : religions, sciences, littératures, politique … La philosophie a sombré dans cette orientation, en prenant chaque fois des différentes formules. Que ce soit avec Aristote, ou ceux qui sont venus après, notamment Kant et Hegel, il s’agit là, de la même structure : Le vrai en face du faux, l’absolu en face du dérisoire : La métaphysique. Les efforts se sont multipliés, pour que cette métaphysique se gonfle chez Hegel.
Je crois, avec assez de certitude, que le christianisme n’a fait qu’une volerie d’une idée déjà exprimée chez les grecs ; il s’agit, de celle qui consiste à dire que Dieu a couché avec une femme ( humaine) et ça a donné un demi dieu, comme Achille et autres. C’est là exactement où Nietzsche a trouvé les maux de la philosophie, et de toute la pensée occidentale ! Voila que Dieu a fécondé une femme qui a donné Jésus, et pour Hegel, c’est l’idée abstraite qui s’est transformée dans la nature (l’anti-thèse) pour redonner la pensée absolue (Jésus en religion)
lui en philosophie, son Roi en politique ! Hegel a appelé ça : « La raison gouverne l’Histoire ».
Il a fallu donc, attendre cette arrogance pour provoquer la philosophie ; et pour mettre toute cette métaphysique en cause : « Riens philosophiques » voilà ce que répond Kierkegaard ; ou alors la nécessité de mettre Hegel sur pied, comme l’a dit Marx. Mais Nietzsche est allé plus loin, il est allé vers la tragédie grecque ; il y a trouvé beaucoup de richesse, à partir desquelles les détournements se sont produits.y a-t-il un germe chez Socrate ? Il a combattu la transcendance du sens, pour y mettre à la place le sujet savant : Connais toi, toi-même ! Cela a servi à Platon pour maîtriser le sens dans une seule main, la sienne, en pensant l’existence et en rejoignant avec sa capacité de se rappeler, le vrai monde où gîte la réalité !

Mythos et logos

On a pris l’habitude d’admettre, avec évidence, ce partage entre mythos et logos, c'est-à-dire la thèse qui soutient, que le mythos a un jour cessé d’exister, et à sa place, le logos a occupé la pensée ; or les travaux de l’anthropologie et les disciplines proches, nous ont montré des faits contradictoires bien considérables. Mais comment peut on comprendre que dans notre troisième millénaire, des théories mythiques persistent encore, à continuer dans différents domaines de la pensée.
Un homme se lève un matin, et déclare à toute l’humanité que dieu en personne, l’a chargé de purifier notre monde des forces du Mal, et il entraîne toute la planète vers des conflits terriblement meurtriers, où la chaire humaine est devenue proie facile à toutes les sortes d’armes explosives, scientifiquement fabriquées jusqu’à en devenir des armes intelligentes ? En face de celui là, un autre homme prétend lui aussi, être un soldat préalablement martyre, et prend la tâche lui aussi, sous l’ordre de dieu, de demander à toute l’humanité de le suivre dans son combat contre le mal absolu. Une face à face terriblement dressée pour mettre tout le monde au feu. Un absolu contre un autre absolu, et derrière les deux, se sont mêlées les théologies les plus anciennes. Ce serait quoi le mythos, si ce n’est pas cette croyance à la chose et son contraire, les unifiant et les rendant Un. L’armement destructif fait de ces hommes des avatars de Zeus et ses collègues. Le mythos devient cette mise de l’autre dans un dehors absolu, et devient aussi ce rapport direct et exclusif avec dieu ! Mais ce mythos n’a rien à voir avec celui des grecs.
Le mythos est de croire à la chose et son contraire, c’est de croire aussi qu’entre la vérité et son contraire, il y a un médium qui n’est ni dieu, ni homme, mais une troisième force que l’on peut s’approprier pour agir et changer les choses ! Notre monde contemporain est considérablement envahi par cette conviction et ces croyances. Des hommes d’état, comme aussi des gens ordinaires, consomment fortement cette croyance et cette pratique, nous avons même des spécialistes en la matière, qui emploient habilement les dernières technologies (Internet, communication …) pour servir dans ce marché terriblement croissant
partout dans le monde. Aussi des pratiques médicales reposant sur l’invitation du médium pour guérir les maladies de toutes sortes, même le cancer. Les marabouts, les temples, les lieux de voyance, sont devenus de plus en plus régnant.
Le mythos ne repose pas sur le dualisme comme il est le cas dans la métaphysique fondée par Platon ; il repose plutôt sur l’intermédiaire qui n’est ni Dieu, ni Homme, mais des puissances surnaturelles inidentifiables, par contre maîtrisable, soit pour faire du bien, soit pour faire du mal.Ces forces ont pris différentes appellations : Fantômes, diables, forces du mal, médium … Etc. et pour dominer ces forces, d’autres moyens sont imaginés par l’homme : Le talisman, la croix, la lecture du texte divin, les rituels de trans…etc, l’homme contemporain a intégré même les moyens les plus développés dans le domaine des télécommunications.Les « spécialistes du tarot et de voyance » ont occupé une très bonne place dans le monde de l’Internet et de la publicité.
Le mythos a donc toujours existé et existe toujours à côté du logos, il n’a jamais cessé de faire partie de la pensé humaine ; l’histoire des sciences n’est elle pas l’histoire de ses erreurs comme le disait G.Bachelard ; et ce qui est une connaissance actuelle, n’est qu’une illusion après. Mais cette illusion ne constitue pas dans beaucoup de cas, un mythos lorsqu’une théorie scientifique est non pas seulement dépassée, mais dévoilée comme une banalité et pure illusion ? Il faut donc admettre que le mythos est une interprétation de la réalité comme le logos et les autres systèmes métaphysiques. C’est ce que Nietzsche a révélé dans son parcours philosophique, et a voulu faire entendre avec acharnement, de là, son retour à la tragédie grecque. Son projet a été pris au sérieux par ceux qu’il a appelé les philosophes du danger.Ce fût Heidegger, Derrida, Foucault, Deleuze … Le savoir humain est une multitude d’interprétations du monde ; parmi les grands apports de Nietzsche, est que le sens est
pluriel, quoiqu’on doive distinguer toujours le sens fort du sens faible, c'est-à-dire l’interprétation qui s’impose dans un temps et espace donné : « On ne saurait mieux marquer la différence entre la libre pensée d’hier et celle d’aujourd’hui qu’en se rappelant cette phrase qu’il a fallu toute l’intrépidité du siècle passé pour comprendre et énoncer, et qui pourtant, mesurée au niveau actuel de la connaissance, retombe au rang de la naïveté invenlontaire, _ je veux dire la phrase de voltaire : » croyez moi, mon ami, l’erreur aussi a son mérite ».Nietzsche.

Le rationalisme

Aristote a fondé la logique pour mettre les premières bornes de la pensée, mais il a aussi fondé la rhétorique ; curieusement, on ne s’est que peut intéressé à cela ! Pourquoi sa logique a-t-elle pris beaucoup d’importance, alors que sa rhétorique n’a pas incité autant à la réflexion ?
L’Organon a marqué les premiers
fondements d’un rationalisme primordial, il a montré les règles que toute réflexion doive suivre, pour être conforme à la raison ; et même les parties inaccessibles sont quantifiées, il a consacré pour ça, la logique fallacieuse. Et pourtant, tout un espace de réflexion reste à définir, c’est là, l’importance de la rhétorique ; car la logique formelle peut bien traiter une phrase lorsqu’elle est propositionnelle, mais lorsqu’elle ne l’est pas, la logique formelle s’arrête. Quant une phrase est exclamative ou interrogative, elle n’est pas objet de la logique, c’est la rhétorique qui s’en occupe ; pour cette raison, elle est le germe de la linguistique moderne.
Mais ce qui m’intéresse ici, c’est que notre manière de réfléchir, et les règles qui font marcher cella, ne sont pas forcément formelles, elles sont plutôt plurielles et vont entre le formel et l’informel ; il en résulte que la réalité est toujours inachevée, et que le sens est molle .Une réalité peut bien être intelligible, mais pas forcément rationnelle .Ceci n’a pas été prise en bonne considération par Descartes. Il a fait de son mieux pour mettre une taxinomie de la pensée pour y mettre de l’ordre, seulement tout est bâti sur l’évidence, et c’est bien de là que commence les problèmes, c'est-à-dire, que Descartes n’a pas réussi à faire une table totalement rase. Chez Descartes, il faut d’abord accepter qu’il n y a de mal génie, et qu’il y a bien une évidence insoutenable pour pouvoir admettre son rationalisme. Encore plus, il faut croire à sa vision où il a reçu une mystérieuse décision et certitude, que c’est à lui de mettre de l’ordre dans la raison. La métaphysique avec sa dualité reste dominante et imposée dans sa philosophie.On comprend bien pourquoi Lacan a trouvé beaucoup de facilité pour détruire ce cogito ; en fait pour Descartes, il est impensable qu’il ait un inconscient, or comment un « je » pluriel, plein de contradictions et certainement peu vigilant, peut-il assurer son évidence ? Et si on prend le « mal génie » comme s’il était la farce de l’inconscient : C’est tout le rationalisme cartésien qui s’effondre !
Je pense qu’à partir de là, Kant a fondé ses trois critiques, encore une table rase discrète et sérieusement demandée pour sauver l’embrouille cartésienne. Le but de Kant était de renforcer ce rationalisme et de traiter ses trous, en formalisant les trois axes de la
métaphysique. Le savoir est encore soumis à la transcendance du sens. Un sens tellement formel qu’il est devenu indiscutable ; mais Kant devait faire face à un problème très difficile à surmonter : Comment faire avec la notion de temps et de l’espace ? Pire encore, comment faire avec les notions telles que : Liberté, âme, dieu, morale….etc, pour les premières il a trouvé refuge chez le concept de l’a priori, mais cela ne pouvait pas tenir longtemps avec l’évolution rapide des sciences physiques : Einstein ! Pour les secondes il a trouvé l’idée de l’impératif, cela aussi n’a pas pu résister à l’évolution des sciences humaines : La sociologie, la psychologie, la politique. Mais comment peut-on admettre l’idée de l’art pour l’art, ou le devoir pour le devoir ? On comprend là pourquoi Nietzsche lui adressé une place bien privilégiée dans sa sévère critique. C’est lui, l’excellent prêtre qui est venu sauver la morale, en la rendant encore plus abstraite et plus arbitraire. La morale pourrait elle s’imposer en tant qu’impératif ? Kant se demandait pourquoi l’homme a-t-il besoin de la morale ; mais Nietzsche se demandait pourquoi faut-il que l’homme ait besoin de croire à cette morale ? En valait-il la peine ? si ce n’est pas une manière cynique de prêcher la décadence et la mauvaise humeur. Et comment peut on accepter l’idée d’un Noumène qu’on ne peut pas comprendre, en échange d’un Phénomène apparent et accessible au savoir ? Kant n’a pas pu dépasser la philosophie cartésienne ! C’est à dire sa métaphysique.
La symphonie, médiative et universelle, de Hegel, commence à partir d’une dimension tout à fait nouvelle, que les autres n’ont pas pu remarquer : L’Histoire. Il est vrai que Kant avait implicitement posé cette question, en se demandant ce qu’est le « Présent », ce qu’est « l’actualité » mais celle-ci, n’a pas été clairement traitée par lui ; ni sa raison pure, ni sa raison critique ne pouvait faire usage à l’histoire. Par contre, Hegel a commencé de là exactement, et c’est à lui que revient la philosophie de l’Histoire. La pensée de Hegel n’est pas facile à réfuter, parce que là où on croit l’avoir bien chassée, on la trouve défiante et persistante. Cette force revient exactement à son rapport confus avec la dialectique d’Héraclite. Hegel a donc donné le dernier souffle à la métaphysique en y introduisant cet aspect révolutionnaire qu’offre l’histoire.
Pour Hegel : « La raison gouverne l’histoire » ainsi, a-t-il pu reporter la fin de la métaphysique, cela veut dire, qu’il n’est plus question de voir les choses en état
stationnaire et dogmatique, mais en mouvement, en dialectique, que nul ne peut arrêter ; cependant ce qui est Noumène finit par devenir Phénomène, ainsi la connaissance est infinie et surtout ascendante, la vérité n’est plus inaccessible, elle est plutôt un devenir qui ne cesse de se révéler. Nous sommes devant une philosophie bien révolutionnaire et trop rassurante ! Mais où est le problème alors !? Il est en cela :

a- La squelette de toute la philosophie de Hegel est faite à partir du christianisme ; la parole de Dieu semée dans l’utérus de la vierge ; cela donne un homme qui représente la connaissance de Dieu, connaissance qui sera prêchée et répandue au sein de l’espèce humaine pour lui monter le savoir divin. L’histoire des hommes, de ce coté, ne sera que le passage déterminé de l’ignorance vers la connaissance. La philosophie de Hegel est l’aspect philosophique du christianisme. La trilogie prend la forme de Dieu, femme, homme, c'est-à-dire thèse, anti-thèse, synthèse. Parce que cet homme réalise la présence de Dieu sur terre. Chez les grecs : Pélée, Thétis et Achille, sauf que pour ceux-là, L’homme n y représentait pas Dieu sur terre, plutôt, il y représentait soi-même.

b- L’absolu est le pilier de sa pensée, un absolu vers quoi aspire toute vie, face à un relatif humble et méprisable. L’absolu est une fin vers laquelle va le sens de l’histoire. L’individu ne compte rien dans ce processus, même les grands hommes, ne sont que des outils que l’histoire utilise pour réaliser l’absolu. Lorsque les hommes ambitieux croient qu’ils réalisent leurs fins, ils ne font que réaliser la fin de l’histoire dont la ruse cache le secret divin d’un Dieu courant contre le temps.

c- Le finalisme est l’élément primordial qui fait bouger l’histoire. C'est-à-dire qu’il y a là une fin incomprise que l’histoire veut réaliser. Cette fin est bien la volonté de Dieu sur terre, qui s’accomplit sans cesse.

d- Le progrès est donc une destiné de l’existence, que rien ne peut empêcher ; les guerres, les conflits sanguinaires, les grands changements sont nécessaires pour cette réalisation de l’absolu, et l’homme n’y est pour rien, sauf pour mettre en application cette destiné avec ce qu’elle peut porter de malheur ou de bonheur, peu importe.

e- Mais cet absolu s’est réalisé en religion avec le christianisme, en politique avec le règne de son Roi, en philosophie avec lui. C’est vers tout ça que tendait sa philosophie pour s’arrêter.
Ainsi, se termine la révolution de Hegel, et nous pourrons trouver dans ces propos, l’introduction qui permettra une réaction violente, plutôt, un changement radical dans la philosophie : l’effondrement de la métaphysique.

L’effondrement de la métaphysique

Cette inflation de la raison, chez Hegel, a provoqué une critique sévère chez les philosophes, non pas seulement ceux qui étaient contre l’idée de Dieu, le centre privilégié de toute métaphysique, mais aussi chez ceux qui étaient contre toutes valeurs qui l’accompagnent : L’absolu , la morale, le pouvoir, la connaissance, ... ect, sans doute, l’évolution de la technique, l' apparition de l’énergie, l’évolution du commerce…ont été un facteur très déterminant dans ce changement, mais la pensée a sa propre raison, et ses propres lois, qui la font changer vers un tel ou tel sens, c’est ce que Louis Althusser appelait la pratique théorique. C’est une philosophie aigue et très critique, qui a fait naissance, au détriment de toutes les autres, et qui a marqué le modernisme ; une philosophie post moderne puisqu’elle est née au détriment du modernisme ; c’est une philosophie marquée par le même souci, celui de renverser la dualité. Nietzsche en était le premier fondateur, c'est-à-dire, le fondateur de ce qu’on peut appeler un prolégomènes à la philosophie post-moderniste. Je peux dire qu’à partir de là, commence l’après Nietzsche ; mais, c’est quoi cet après Nietzsche ? : « La croyance à la vérité commence avec le doute au sujet de toutes les vérités auxquelles on croyait jusqu’alors » Nietzsche. En fait, l’après Nietzsche, c’est à la fois, la fin du christianisme et des philosophies de sujet, celle de Hegel en dernière instance. L’après Nietzsche est surtout la fin du modernisme.

Dionysos contre le crucifié

Hegel avait donc saturé la métaphysique, plus rien ne peut être ajouté ; Kierkegaard a trouvé que Hegel avait parlé de tout sauf de l’homme, de son intérieur, est-ce là, le début de la pensée existentialiste ? Je crois que oui. Marx s’est dirigé vers un autre chemin : La lutte des classes. Il a bien apprécié la dialectique, mais a fermement refusé que cette dialectique soit animée par une raison intelligente, qui se dirige vers un but suprême, ambigu et universel. La réponse de Marx était dans l’économie et les conditions humaines ; ce qui fait bouger l’histoire, c’est cette contradiction qui produit la plus value, entraînant la richesse des uns et la misère des autres ; donc, une lutte interminable qui fait bouger l’histoire. Il faut construire la structure qui unifiera les exploités pour changer l’histoire vers une autre étape qui serait le communisme. La praxis au lieu de rester figé dans le monde des idées.
Mais la plus forte réplique à Hegel fût la philosophie de Nietzsche qui en a aboli l’essentiel :

a- Le christianisme (et avec lui les religions) qui constitue un blocage et une destruction de tout ce qui est humain, surtout sa volonté. L’Antéchrist n’est pas le contraire de christ, mais son dépassement, son renversement en tant que contre nature. Nietzsche était tout à fait conscient de sa tache, qu’il était un homme posthume, car en rejetant le politique, en exigeant de nouveaux yeux et oreilles, en allant chercher dans le labyrinthe pour y trouver et détruire avec mépris ce que l’humanité avait créée contre elle-même, il a été obligé de parler à des générations autres que la sienne, des générations capable de supporter la mort de Dieu et le crépuscule des idoles.

b- L’absolu n’est qu’une idée, il est même une mauvaise idée, qui entrave la volonté de l’homme et sa puissance. Mais tout absolu devient relatif devant cette volonté acharnée chez l’homme, à se dépasser vers le meilleur, même si cela exige de faire face à la mort (Là on trouve l’esprit grecque).

c- Nul finalisme n’existe en dehors de la volonté de puissance des hommes ; le diable lui-même en personne l’a dit à Zara : Dieu est mort à cause de sa pitié pour les hommes. L’homme doit en tirer profit pour se méfier de la pitié !

d- Le progrès ! Ne serait-il pas une illusion ? L’homme du 19 ème siècle ne serait-il pas médiocre dans sa qualité par rapport à celui du moyen âge ? Or la généalogie nous offre une autre façon de voir notre évolution, cette dernière ne se dirige pas vers le progrès, elle se dirige et c’est tout, aveuglément et sans fin.

e- Il est difficile d’admettre que la raison s’est finalement réalisée avec Hegel, ce sage parmi les sages, n’a fait que produire des valeurs, les embellir et les mètres dans le navire qui sera poussé par le fleuve, c'est-à-dire, la masse humaine, qui coure avec sa force colossale.

f- Que veut dire donc l’effondrement de la métaphysique ? Ce n’est pas l’abolissement de la dualité, mais son renversement. La réalité n’est pas en haut, elle est plutôt en bas, sur terre, entre les mains des hommes, et c’est à eux que revient la création. L’illusion est en haut où il n’y a que des interprétations inutiles ! Le monde des idéaux est l’illusion, celui de la terre est la vérité.

Nietzsche a attaqué toute l’histoire de cette dualité, de Platon à Hegel ; il a adressé ses coups de marteau à tous les sages (philosophes) qui ont trouvé la joie d’installer les fausses valeurs et de leurs donner des noms, et de la respectabilité habile et hypocrite, pour semer l’impuissance et le doute chez les masses, et c’est là, leur volonté de puissance. Car la joie et la jouissance de ces sages passent par leur savoir et leur créativité des concepts qui maintiennent l’ordre, et garantissent la soumission (De là, la notion de Pouvoir développée par M .Foucault), mais : « Le christianisme donna du poison à Eros : il n’en mourut pas, mais dégénéra en vice ».F. Nietzsche. L’après Nietzsche est cette mutation tranchante dans la philosophie, où il est dorénavant, question d’un seul monde plat et directe, comme l’était celui des grecs ; il est question de créer le valeurs offensives et productives de l’homme et pour l’homme. Nietzsche insistait sur le fait que dieu est mort et demeure mort. Autrement dit, l’homme doit rester vigilant quand à sa grande découverte, et quant à sa seule responsabilité dans la vie ; l’homme est orphelin et sans secours ; il a la responsabilité d’être le berger de l’être dira plus tard Heidegger.

Le philosophe du Danger

Pourquoi Nietzsche a choisi de se présenter dans cette face à face « Je suis Dionysos contre le crucifié » ? Je trouve que c’est le grand titre de toutes ses œuvres. Une dénonciation et un refus de cette morale de soumission, de cet anéantissement de soi ; en échange d’une morale, non pas seulement de puissance, mais de dépassement de soi. Le Dionysiaque emporté par la joie face au crucifié battu par l’austérité de ses vertus ; nous les immoralistes, disait Nietzsche, pour mettre l’accent sur cette confrontation. Mais il n’a pas oublié de s’intéresser à ce Dieu qui s’est déclaré le seul Dieu, en affirmant qu’il n’y a de Dieu que lui ! Les Dieux grecs ont éclaté de rire en entendant ça ; mais en fait, remarqua Nietzsche, ce dieu est athée puisqu’il a nié tous les autres.
« Ô grand astre quel serait ton bonheur si tu n’as pas ceux que tu éclaires » Cet appel dionysiaque à l’homme, est
une incitation à la joie : Si l’homme a des instincts, des désirs, quel serait sa raison, s’il ne réalise pas ce pourquoi il existe ? Le crucifié l’appelle à s’interdire tout ce qui est nature en lui. Or, le surhomme n’est que l’homme avisé, capable de choisir la vision de Dionysos et de dépasser celle du crucifié. L’éternel retour n’est que cette nature infinie. La volonté de puissance n’est que cette résistance contre la peur, le ressentiment, l’angoisse d’être crucifié, c’est-à-dire d’être puni. L’homme avisé détruit les idoles. Le désir sexuel pousse l’homme par la passion à agir, alors il s’agit, peu importe les manières et les risques, d’aboutir à la jouissance qui, une fois acquise, le désir sexuel reprend : Voilà ce qu’est l’éternel retour. Cependant, la morale du crucifié reste une contre nature, et le surhomme crée une autre éthique, une autre vision de la vie, de l’art, de soi ... etc.
En fait pourquoi Nietzsche employait à plusieurs reprises cette expression : Nous les psychologues ? Sans doute, ce sont ces malades de pitié, de chasteté, de dénouement et dévouement, de bonté et de toutes les qualités humaines, trop humaines ! Ne faut-il pas soigner ces malades ? Or, dans les yeux doux de la pitié et de l’amour guette aussi la volonté de puissance, c’est-à-dire, la volonté d’investir l’autre et lui confisquer la puissance. Les sept péchés capitaux ne sont –ils pas, un des spectres de ce qu’est la volonté de puissance ? Je crois que la volonté de puissance est bien cette richesse grandiose dans l’homme, qui le pousse à se rassasier de la vie, même si cela comporte un danger mortel, un risque de mourir. Mais il ne se rassasie pas ; plus il en réalise, plus il en veut ; affirmant l’éternel retour.
Je pense aussi que l’éternel retour est cette volonté qui ne peut que continuer, se perpétuer, se faire et se refaire infiniment, mais sous différentes formes, en employant tous les moyens, anciens et nouveaux, pour s’affirmer et s’imposer. La guerre est une simple idée en tête, mais elle est aussi ce phénomène qui ne cessera jamais de retourner éternellement sous différentes formes, avec de nouvelles valeurs. Où est donc la répétition ? Pour changer l’exemple de dé souvent abordé pour parler de l’éternel retour, je dirai que lorsque je décide de rentrer au glaive, je fais face à la mort, et je parie avec ma vie pour le trophée, soit je meurs, soit je gagne, ainsi le veut ma volonté (La volonté de puissance), et ça continue, avec moi ou sans moi (L’éternel retour). A l’aube de l’humanité, les nobles étaient ces hommes toujours prêts à parier avec leurs vies, et ils ont mérité leurs statuts. La généalogie des nobles nous mène vers des guerriers tueurs libérés de pitié et de valeurs pareilles. Ainsi va la vie des gens au quotidien, et pendant toutes les époques ! Que le surhomme vienne pour affirmer ses droits sans avoir recours à la morale des sages. Une autre morale cultivée à la base de la volonté de puissance, du respect de soi, sublimée vers un homme au-delà le bien et le mal. N’y a-t-il pas d’indice à cela dans notre troisième millénaire ? Napoléon disait déjà : « Dieu est avec ceux qui ont plus de canons », voilà que la volonté de l’homme transforme Dieu en puissance réelle, en canons qui produisent l’effet sur terre et créent la victoire. L’après Nietzsche c’est ce pas géant dans le chemin qui mène au-delà bien et mal, parce qu’il est temps de parler droit au but, de parler sans mensonges, sachant que les valeurs morales sont nos propres créations, et comme nous les avons créées, nous pourrons les détruire pour en créer d’autres, car se taire est un poison qui nous tuera, et le silence dégénérera notre espèce ; alors que toutes les vers de la terre ont donné de leurs mieux, nous devons dépasser ce qui est singe en nous, pour mériter notre souveraineté. Nietzsche disait : « Qu’est ce qui est bon ? Tout ce qui exalte en l’homme le sentiment de puissance, la volonté de puissance, la puissance même. Qu’est ce qui est mauvais ? Tout ce qui vient de la faiblesse »

Le dépassement de la métaphysique

Notre monde n’est plus un simulacre, il est notre réalité que nous sommes capables de changer dans une lutte interminable. Nietzsche est l’auteur de ce renversement ; une nouvelle époque vient de commencer alors ; et des philosophes, que Nietzsche voyait venir, les philosophes du danger, vont continuer ce chemin grave, ce Holzweg. Sur un autre niveau, les sciences évoluent sans cesse, sur tous les domaines, y compris le domaine humain, ouvrant d’autres perspectives, et réalisant d’autres découvertes qui feront disparaître tout ce qui est resté de la métaphysique et ses ramifications. L’Ontologie n’a plus donc de place, et les valeurs de la peur ont cédé leurs places aux valeurs du gai savoir et de l’Antéchrist. Maintenant, nous assistons au deuil de la métaphysique !
Heidegger a tenté une confrontation philosophique très dangereuse : Reprendre la métaphysique pour en finir ; reprendre le thème fondamental de l’Ontologie pour le serrer. Pourquoi y a-t-il l’étant et non pas plutôt rien ? Qu’est ce que l’être ? Qu’est ce que l’étant ? Qu’est ce que penser ? Dans ce chemin épineux, Heidegger s’est montré très vigilant, minutieux, très soucieux de mettre la main sur le noyau dur de la métaphysique : L’être et l’étant en rapport avec le temps. Je crois qu’il a fini, par trouver cela : La question de l’être est une fausse question, sinon, une question inaccessible ou même banale ; L’essence de l’être ne peut pas se dévoiler, puisqu’on se dévoilant, elle n’est plus de l’ordre de l’essence, ni de l’ordre de l’être, mais de l’étant. L’être c’est ce qui est là. Ça pourrait paraître, rien et futile comme conclusion, mais « Dans la forêt, il y a des chemins qui, le plus souvent encombrés de broussailles, s’arrêtent soudain dans le non frayé. On les appelle holzwege. Chacun suit son propre chemin, mais dans la même forêt. Souvent, il semble que l’un ressemble à l’autre. Mais ce n’est qu’une apparence. Bûcherons et forestiers s’y connaissent en chemins. Ils savent ce que veut dire : être sur un Holzweg, sur un chemin qui ne mène nulle part » M. Heidegger. Certains, se sont précipités pour dire que c’est là une non possibilité de comprendre ! C’est une très mauvaise lecture de Heidegger, mais voyons un peu : cette forêt n’est pas une impasse, un néant, puisque bûcherons et forestiers s’y connaissent, ainsi pour la pensée, ceux qui s’y connaissent ont la facilité d’aller loin, très loin même dans le chemin de la pensée. Dans cette voie rude, déserte, tortueuse, des philosophes graves, ont continué leur chemin pour amplifier et investir le nouveau monde de questionnements que Nietzsche a ouvert.

TRIBAK AHMED