13.2.08

Sur l’histoire de l’Humanisme



Le rôle de la philosophie selon Nietzsche n’est plus de dire la vérité de tous, et de tous les temps, il est plutôt de diagnostiquer ; diagnostiquer le sens comme symptôme. La philosophie est une lecture sémiologique des symptômes que laissent voir les sens.

Il ne s’agit plus de chercher les causes principales de l’être, il ne s’agit plus de trouver l’évidence et l’immédiateté des choses qui s’infiltrent dans la raison, à partir d’un sujet pensant, pour construire la rationalité de l’être, il ne s’agit pas non plus de rendre intelligible le cours d’un esprit dans l’histoire pour aboutir à une raison absolue. Bref, il ne s’agit plus de chercher les principes qui expliquent l’existence, ou qui sont les principes originels de ce monde existant. Il s’agit d’interpréter, dans un mouvement infini, les sens que nous produisons sur le monde dans un rapport violent que notre volonté de puissance fait subir aux choses. Dans ce sens, que veut dire l’humanisme ? Le concept d’humanisme n’a-t-il pas subi lui-même une altérité permanente ? Sans doute il est apparu dans un contexte historique, et a subi par la suite différents sens ; il a été interprété a plusieurs reprises selon les volontés humaines. Seule une généalogie du terme peut nous aider à en révéler les différents sens.

En fait, la relation de l’homme avec l’homme était souvent une relation de violence et de force, elle l’est toujours, et elle le restera. Reste que la forme de cette relation a changé selon les cultures et les contextes sociaux et historiques : et c’est ce qu’on doit se rappeler comme événements et discours. La première apparition de ce terme revient au 15ème siècle, où on a commencé à parler de l’homme comme valeur honorable et respectueuse. On a soulevé les raisons qui font de l’homme une valeur privilégiée, puis on lui a accordé un sens moral, c'est-à-dire, un comportement positif, l’un vis-à-vis de l’autre, puis vient le sens philosophique à partir du 17ème siècle. C’est la période où commence un mouvement au sein des instituts religieux en faveur de l’homme ; mais en fait, c’est que ces instituts avaient perdu leur pouvoir politique qu’ils avaient durant longtemps (le moyen âge).

En général, l’humanisme a commencé comme un constat qui donnait à l’homme une certaine valeur, certes un peu timide, mais quand même valorisant l’homme comme une valeur importante dans le monde, par rapport aux autres espèces ; c’était la période où les établissements religieux ont perdu leur statut politique. Et c’est à partir de cette rupture entre politique et religion que cette dernière a commencé à reconnaître successivement l’homme. Mais ce n’est qu’en 17ème siècle que l’homme parvienne à occuper une place respectueuse.

On trouve chez Kant quatre questions de départ : que dois-je savoir ? C’est le niveau métaphysique. Que dois-je faire ? C’est le niveau moral. Qu’est-ce qui me le permet ? C’est le niveau religieux. Mais ces questions se réduisent finalement à une quatrième question : Qu’est ce que l’homme ? Cela veut dire que Kant a dépassé là, le domaine de la philosophie théorique, et aussi la philosophie pratique. L’homme était donc au centre de la philosophie de Kant. Il a dévié la question qui concerne l’existence et le dieu. De ce fait, Kant a marqué un point considérable, par rapport au statut de l’homme du moyen âge, où l’homme n’était qu’une bête à gouverner et à investir.

Platon n’était pas loin de ce sens, or « la république » donnait ce sens qui correspond aux trois niveaux naturels de l’homme : la raison, la colère, le plaisir ou l’usage des plaisirs dira plus tard Foucault. Selon cette division de Platon, le philosophe doit gouverner (la raison), le militaire doit assurer les ordres des gouverneurs (la colère), le public n’était que des bêtes à consommer (Le plaisir), en plus les esclaves et les femmes n’étaient même pas classés dans sa république ; toute cette hiérarchie ne mettait pas sérieusement l’homme comme valeur réelle et centrale, le centre était la vertu et le fait de se la rappeler.

L’humanisme n’était pas encore une conception claire en philosophie à l’époque grecque. On peut donc parler de quatre périodes concernant le sens de l’humanisme : la première période où il est apparu un certain intérêt qu’on donnait à l’homme en lui accordant une valeur au niveau philosophique et en critiquant le rôle de la religion, sans pour autant oser critiquer la notion de dieu, c’était le moyen âge. La Mirandole voyait que le succès de la pensée est plus important que le ciel, et qu’il n y’a rien d’important sur terre que l’homme ; puis rien de vénérable chez l’homme que sa pensée et son âme. Or, le ciel ici, ne signifie pas dieu ; ce dernier est plus grand que toute chose. Mais il reste que cette importance qu’on donnait à l’homme était quelques choses de nouveau.

Erasme voyait qu’il n y’a aucun intérêt dans un homme que dieu crée et manipule comme de la patte ; dieu selon lui n’est grand que dans la liberté de l’homme ; donc cette période a connu les premiers pas positifs dans le sens de l’humanisme. Sans doute, la révolution de Luther était encore un pas assez important dans l’évolution de l’humanisme. Mais la période des lumières a connu une vraie révolution dans la confirmation de l’homme et de sa valeur.

L’âge des lumières est un changement sur tous les niveaux ; d’où l’importance de la révolution française qui a donné naissance à trois composantes intellectuelles : l’histoire, l’économie, la psychologie. La pensée des lumières se base essentiellement sur la liberté de l’expression et la critique de la religion et des croyances en général. Et quoique Hegel n’ait pas beaucoup apprécié la révolution française, il l’a quand même considérée comme un événement majeur de son époque, tout en insistant sur le réformisme Allemand. L’humanisme a donc connu son début à l’âge de la renaissance, où on a reconnu une certaine valeur, pour arriver à un changement ontologique dans les lumières.

Et pourtant des questions quasi importantes exigent des réponses : Qu’elles sont les repères qui nous permettent de parler d’un humanisme ? Quelles sont les conditions de fond nécessitées pour définir clairement ce qu’est un humanisme ?

Il y’a au moins quatre conditions pour cela : 1- il faut que l’homme devienne un concept cohérent et une unité intellectuelle, or ceci n’a jamais pu être réalisée. 2- Il doit y avoir une définition formelle à propos de cet être qu’est l’homme ; les sciences essaient depuis des siècles de répondre à cela, sans jamais parvenir à donner une définition nette sur l’homme ; et c’est ce que la morale a essayé de faire en vain. 3- Quel est le statut de l’homme dans cet univers ? Toutes les réponses scientifiques apportées finissent par le mettre à l’échelle des espèces naturelles. 4- Et puis que faire devant la finitude de l’homme ? L’homme meurt comme toutes les autres espèces. En fait les réponses à ces questions ont toujours tourné au tour de l’un des propos suivant : 1- l’homme est sa nature physique, matérielle et biologique. 2- L’homme est, au contraire, sa culture. 3- L’homme n’est ni sa nature, ni sa culture, c’est plutôt sa capacité de se libérer de sa nature et sa culture.

Aucun de ces propos n’a régné sur les autres, et on continue dans cette ambiguïté. Dans les mots et les choses, on trouve la première tentative réussie de montrer comment la notion de l’homme et aussi de l’humanisme a émergé au niveau du savoir au début du 17ème siècle. Paradoxalement, selon Foucault, l’homme a disparu au moment même où il est apparu comme notion culturelle. Mais, ce n’est qu’à partir de là, que l’humanisme devient sérieux et vrai : sérieux parce qu’il a confisqué la transcendance à l’homme en lui rendant sa naturalité ; et vrai parce qu’il a posé l’homme au niveau de la politique.

Tribak ahmed