Foucault tenait un sérieux dialogue avec cette longue discussion qui tournait au sujet de la notion de profondeur 1 ; notion illusoire que Nietzsche avait si tant débattue 2, ce dernier refusait toujours cette fausse notion de profondeur des idées et de l’inconscient comme étant une arrière existence, cette profondeur qu’il a montrée lui, qu’elle n’était qu’une invention fausse des philosophes, de Platon à Hegel.
Nous sommes là, devant une conception nouvelle de ce que voulait représenter en effet pour lui l’illusion d’une profondeur 3, ou de l’idée d’une profondeur, nous sommes aussi devant un refus catégorique de cette illusion qu’on ne peut plus accepter ; Nietzsche avait la tâche de détruire cette illusion, pour une pensée libre et vigilante, juré à mettre en dehors de la pensée tout ce qui relève ou fait référence à cette idée trompeuse, même si cela entrainait la destruction de la figure fragile de l’homme. Il n y a qu’un seul monde, c’est celui de la terre, et ce que nous nous faisons sur ce monde est tout simplement notre propre interprétation, et c’est bien cette interprétation qui fait la pluralité des sens. Or, ce concept d’interprétation change tout dans l’horizon de la pensée philosophique : la vérité est plurielle, nulle vérité n’est absolue ; cependant, le devoir du philosophe est devenu celui de dire vrai, et c’est cette notion que Foucault prend et adopte avec beaucoup de détermination. Il ne s’agit plus de dire la vérité, mais plus tôt de dire vrai. C’est donc toute la base métaphysique de la philosophie classique qui est renversée.
Mais finalement, pour revenir à la question de l’homme et de l’humanisme : où est le problème, s’il est question de rendre à l’homme, chez Nietzsche et chez Foucault, sa vraie valeur au détriment des illusions que la pensée philosophique classique a produites et a inculquées pendant des siècles ?
Et si cette mise en valeur de l’homme n’empêchait pas ce dernier d’être lui-même objet de son savoir ? C'est-à-dire que l’homme dont Foucault a signalé la mort et la disparition, n’est que l’homme conceptuel transcendant à l’expérience et entouré de valeurs illusoires, c'est-à-dire l’homme de la philosophie classique. Alors que l’homme, celui de Nietzsche et de Foucault, comme valeur sur terre est bien celui à qui on a redonné la valeur, qu’on a revalorisé ; au lieu des idées fausses saturées de notions de profondeur, Foucault s’est dirigé vers les surfaces où gîte l’homme.
La notion de profondeur prétend la recherche de la vérité réelle dans le fond, mais Nietzsche a montré comment la croyance à cette profondeur entraîne la soumission et la croyance aux faux masques du réel, où celui qui interprète le réel doit descendre vers le bas de la ligne verticale, pour montrer que ce fond est contrairement à ce qu’il montre, c’est que ces profondeurs ne sont enfin que le secret absolu de ce qui est à la surface. Or ce que Foucault a fait, c’est exactement ce travail qui consiste à montrer que le fond n’est que la surface elle-même.
Ce que Foucault s’est décidé de faire dans son parcours, c’est de considérer que la pensée empirique, est une problématisation, et que le savoir, le pouvoir et le sujet, sont les trois piliers de toute problématique ; il n’est pas parti de la raison occidentale, mais de son revers, parce que le cogito ne permet de penser, que ce qui est pensable, or lui, il tente de penser l’impensé dans cette raison, en cherchant dans ce qui n’a jamais été objet de recherche. De toute cela, on comprend ses ouvrages : « Histoire de folie », « Les mots et les choses », « Surveiller et punir », « L’ordre de discours » …etc.
Pour Foucault, la seule chose qu’il faut chercher dans l’histoire des sciences en France, comme dans la pensée critique Allemande, c’est le justement et la mise en question, de cette raison qui porte en elle et dans sa structure, l’histoire des dogmes. Cette raison donc, ne peut pas nous libérer qu’à la seule condition de se libérer elle-même. C’est pourquoi, il était quasi important d’aller vers ces choses qui sont restées pendant très longtemps, loin de la recherche et de la réflexion.
Dans ce chemin, il n’a fait que reprendre le même chemin de Nietzsche, et qui consiste à déconstruire et à questionner les axiomes et les évidences. Il disait lui-même, quand je parle de Kant et Spinoza, Pascal ou Goethe, je sens leur sang jaillir dans le mien. Schopenhauer et Paul Rey étaient sans doute au début, ceux qui l’ont poussé à penser l’origine de la morale : Quelle est cette origine à laquelle il faut réduire ce que nous avons comme idées sur le bien et le mal ? Et pourquoi l’homme avait-il créé ce double critère et pour quelle raison ? Quelle est la relation de ces critères avec l’évolution de l’homme ? Sont-ils deux simples principes passagères résultant de la misère de l’homme où sont-ils signes de joie et de puissance chez lui ?
L’homme est au centre de la philosophie de Nietzsche, et Foucault a dirigé toute sa philosophie sur le même centre d’intérêt, en problématisant le présent, c'est-à-dire, en en faisant une problématique 4, et c’est pour cette raison qu’on l’appelle le philosophe de présentisme ou le philosophe en acte. Ce sont les concepts de Nietzsche : volonté de puissance, surhomme et éternel retour, qui ont donné chez Foucault sa philosophie sur : Le pouvoir, la vérité, la généalogie, l’archéologie, l’humanisme critique …etc. Cela en plus de l’influence de Heidegger sur d’autres niveaux.
Je pense qu’il faut cesser de voir dans la philosophie de Nietzsche un nihilisme dont je n’ai pas trouvé de trace ; dans Zarathoustra, comme dans tout les autres ouvrages, je n’ai trouvé que la valorisation de l’homme et l’appel à la vie et au savoir vigilant ; Foucault a bien compris cela, et en a tiré sa philosophie sur le pouvoir et sur l’histoire des mensonges, appelant l’homme à mieux connaitre les astuces de pouvoir et ses effets, pour mieux créer et faire la vie, où l’individu peut trouver sa place.
TRIBAK AHMED
1- Foucault M. « L’ordre du discours » Gallimard 1977.
2- Foucault M. « Nietzsche, Freud, Marx » Minuit 1967.
3- Nietzsche F. « Aurore » Idées/Gallimard 1970.
4- Ewald F. « La philosophie en acte » Magasine littéraire, n°435 oct. 2004.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire